LE PARTAGE: mode de vie et de consommation....
J'ai vingt ans, je passe l'été en Californie à San Francisco (quand j'étais étudiant je partais "sur la route" de fin mai à fin septembre). J'étais hébergé par un "couple"dans le quartier Haight-Ashbury, le quartier des hippies à deux pas du Golden Gate Parc. Elle, elle travaillait dans une banque et de son tailleur strict de travail (dress code), elle se transformait littéralement quand elle rentrait dans son appartement en hippie féministe délurée et très "amour libre". Lui, avait été mobilisé par la conscription au Vietnam et était photographe de l'armée à survoler les horreurs sanglantes de cette guerre, et, blessé très vite, fut rapatrié et bénéficiait à présent du statut d'étudiant dont les frais étaient payés par l'Etat. Haight-Ashbury était un quartier de San Francisco complètement hors du temps, un foyer de contestation et le centre de la totale liberté anarchique et douce. C'était l'été de l'amour, des concerts quotidiens dans le parc avec Grateful Dead, Jefferson Airplane, Janis et la Holding Company, etc...On s'embrassait, se caressait dans des relations consentantes et libres de toute morale qui avait été le fondement de l'Amérique bien-pensante. Mais celle-ci avait envoyé ses enfants dans le chaos du Vietnam et les avions de l'US Air Force ramenaient chaque jour leurs cadavres au pays. Alors la morale avait pris un coup et les discours patriotiques ne tenaient plus la route, l'avenir pouvait s'arrêter chaque jour pour ses enfants-adolescents dans ces années 70 où la guerre du Vietnam était contestée chaque jour dans des manifestations à travers tous les USA.
On partageait tout : le couchage, la nourriture, les vêtements, les transports étaient partagés collectivement, on cultivait des lopins de terre, le végétarisme macrobiotique était la base de la nourriture et l'alcool était remplacé par toutes sortes de drogues hallucinogènes qui aidaient à oublier que demain on pourrait être enrôlé de force et mis dans un avion pour l'enfer.
Haight-Ashbury était comme un village avec ses boutiques, ses petits commerces, tout le monde se saluait, s'embrassait, se (re)connaissait avec cette sensation profonde d'appartenir à un monde en transition, de participer pleinement à une révolution culturelle au quotidien.
J'avais vingt ans et ces mois passés en Californie-après avoir traversé les Etats-Unis en auto-stop depuis New York-ont profondément marqué ma vie, ma façon de penser et d'être, ont façonné ma culture, ont ancré certaines valeurs de partage et de tolérance au plus profond de moi. Chacun-e a des épisodes marquants ainsi sa vie, pour moi ce fut cela ...et puis l'année suivante un long périple à travers l'Amérique du Sud.
Le couchsurfing, le covoiturage, les Amap, les S.E.L., les jardins partagés, l'autoconstruction, les pratiques agricoles locales et bio-dynamiques, les partages de savoirs, les réseaux sociaux du lien, le développement de technologies qui rendent plus autonomes (imprimante 3D, énergies renouvelables, piles à hydrogène,....), nous sommes bien dans un changement de civilisation, une réappropriation des biens communs, du sentiment d'appartenance à la même planète aux ressources limitées, du temps éphémère de notre vie et du sens à y donner.
Et tout cela me rappelle bien des choses, de ce temps où ces graines ont été semées et qui font bien penser aujourd'hui à un renouveau hippie, en tout cas, pour certaines personnes de ma génération.
_________________________________________________________________________________
et pour vous donner une "petite" idée, voilà un "document" de 1969 (5mns) :
"we are stardust, we are golden and we 've got to get ourselves back to the Garden"
https://www.youtube.com/watch?v=IBqodL2OJ1A
et encore celui-ci filmé au même endroit en Californie à BIG SUR. Celles et ceux qui ont lu Jack Kerouac comprendront car ce lieu aussi est en quelque sorte "mythique".... de ces années beatnicks-hippies...
https://www.youtube.com/watch?v=8jxs0ybnsEQ
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont lus avant publication non pas pour censure ou rejet, mais pour un filtrage concernant insultes, attaques personnelles essentiellement.
Vous pouvez signer vos textes-commentaires pour des réponses personnalisées, des échanges dans le débat.