lundi 29 juin 2020

Pas le Grand Soir, mais un changement de civilisation ?

Soir du deuxième tour des élections municipales 28 juin 2020
 
M. Macron promettant un nouveau monde en 2017, a capté tous les pouvoirs selon les institutions de cette Vème République vieillissante qui date d’il y a  plus de soixante ans avec la main-mise d’une caste, d’une oligarchie de grands patrons et de financiers dans une mondialisation dérégulée et faite de grandes dépendances industrielles comme l’a bien montré la crise sanitaire du Covid 19.

Les trois premières années de son quinquennat ont été marquées par le mouvement des Gilets Jaunes, des Stylos Rouges(enseignants), de la Réforme des retraites, des Blouses Blanches (hôpital), de la dénonciation du racisme et des violences d’une part de la police qui est devenue de plus en plus politique. Le discours et les actes sont si éloignés les uns des autres (le « en même temps » macronien) que les citoyen-ne-s de de ce pays se sont éloigné-e-s eux des urnes.





C’est donc d’abord une crise civique à laquelle nous avons pu assister lors de cette élection avec une accentuation entre plus forte de l’abstention. Cela montre bien combien les élu-e-s en général sont bien loin de leurs concitoyens et/ou de leurs préoccupations et plus porté-e-s par leurs intérêts particuliers et leur carriérisme égotique.
Dans cette région Alsace particulièrement conservatrice, légaliste, il ne fallait donc guère s’attendre à de grands changements puisque la Droite a toujours régné en maître se pliant devant les désidératas des présidents. Mais même là, les frémissements de changements (Verts) s’accentuent dans les villes moyennes (Colmar, Mulhouse,…) et la capitale-métropole Strasbourg s’est donnée une maire écologiste verte, Jeanne Barseghian,  sans accord avec le PS de Catherine Trautmann et en face aussi le front anti-écolo constitué en dernière minute par LREM et LR.
Un espoir dans cette région de naissance de l’écologie politique, où le combat antinucléaire n’a jamais faibli (la centrale de Fessenheim est enfin mise à l’arrêt définitif) , où le projet autoroutier du Grand Contournement Ouest de Strasbourg a été imposé de force, où la taxe transport a été refusé, où la plaine est devenu un maïsland industriel, où le Covid 19 a montré les lacunes de l’État et ses mensonges.

Cette victoire des Verts à Strasbourg n’est pas un cas unique, bien au contraire, puisque après Grenoble où Eric Piolle a été reconduit, ce sont Lyon, Bordeaux, Marseille (majorité relative selon un système particulier), Besançon, Tours, Annecy, (Toulouse, Lille, Metz presque puisqu’il ne manquait que quelques dizaines de voix) et puis des coalitions marquées vertes à gauche, Paris, Nancy, Rennes, Nantes, Dijon, Clermont, Chambéry, Bourges, St-Nazaire, Cherbourg, La Rochelle, Le Mans, Aurillac, St Brieuc, Périgueux, Lons le Saunier, Carpentras, Potiers, Laval, Brest, Rouen, …..On a enfin bien compris que les écologistes ont des convictions profondes, n’ont pas changé selon l’air du temps et les seuls qui lient « fin du monde, fin du mois » puisque la justice sociale est étroitement liée à l’écologie, que le capitalisme, la croissance, la consommation, nos modes de transports, l’habitat, ...font partie d’un même mix discriminatoire socialement et mortifère. C’est un système qu’il faut changer et pas le perpétuer avec quelques aménagements à la marge. Plutôt l’original que les pâles copies de circonstance où les discours lénifiants masquent l’inaction réelle, où des gadgets minimes sont disséminés avec forte communication-propagande…






Une rupture s’est bien produite lors de cette élection. Mais aussi un signe clair que les coalitions au centre ne satisfont plus. C’est tout un système qu’il faut transformer, la démocratie directe à réhabiliter, la justice sociale (et fiscale) à instaurer, les options écologiques à mettre en avant.

LREM, le mouvement du président est absent, balayé, déconsidéré, décrédibilisé et la seule victoire de l’ex-maire de Le Havre, premier ministre Edouard Philippe, ne pourra pas le cacher. De même la victoire de Louis Alliot à Perpignan n’occultera pas l’effondrement du FN-RN qui perd son influence après les déboires financiers de parti d’extrême-droite  mis au grand jour.

Vert, rose, rouge, jaune, blanc, « invisibles », le rapport de force est en train de changer vers un monde plus coloré, où la démocratie ne doit plus être dévoyée et captée par une seule caste qui ne jure que croissance et finance et énonce, impose ses règles dans leurs propres intérêts où tout est consommable, éphémère, jetable et le bien commun un produit comme un autre.

Pas le Grand Soir peut-être, mais le vingt-et-unième siècle enfin, vers un changement de civilisation !





mardi 2 juin 2020

JE ME POSE DES QUESTIONS, j’écoute, j’entends, je lis, …. !

Ben oui, je me pose des questions comme tout le monde. Je revois ce qui s’est passé depuis un an, ou un peu plus, juste « avant » et avec ce qu’on entend maintenant dans l’« après », on ne peut que s’interroger.

AVANT
Les Gilets Jaunes : ce mouvement quasi spontané qui a exprimé le ras-le-bol général d’un nombre impressionnant de gens qu’on ne croisait pas forcément dans les manifestations, ni dans les syndicats,  et qui petit à petit, semaine après semaine, s’amplifiait, durait, trouvait des nouvelles formes de protestations, communiquait sans leaders depuis les rond-points occupés et très visibles. En face de ce que les gens exprimaient, proposaient, on a eu droit à une surdité retentissante du Président-roi et un écran de fumée d’un Grand Débat National où ne parlait qu’un bonimenteur théâtral, le même personnage « number one de l’État » qui en fait faisait la campagne électorale européenne pour ses candidat-e-s godillots. Car qu’est sorti du Grand Débat ? Des LBD, des personnes éborgnées, des mains arrachées par les bombes de « désencerclement », des arrestations par centaines,  des incarcérations, une violence policière démesurée pour réduire au silence un peuple de France que la caste au pouvoir ne connaissait pas, ne cotoyait pas, ne représentait pas.

Les Blouses Blanches : des semaines de protestation dans les hôpitaux, moins visibles peut-être, car si les soignants et médecins portaient des brassards « gréviste », ils continuaient à soigner tout en dénonçant le manque de moyens, le manque de personnel, les salaires indécents, la gestion financière des hôpitaux que le gouvernement voulait « rentabiliser » ! Si on a bien entendu leurs demandes, cela n’a guère atteint les fenêtres des palais dorés de la République ! Silence radio.

Les Stylos Rouges :
enseignant-e-s qui n’en pouvaient plus de voir chaque année un peu plus la réduction de leur mission éducative encadrée par un « devoir de réserve » qui muselait leur liberté de parole, densifiait leurs programmes et surchargeait leurs classes avec l’objectif de ne plus éveiller la conscience de futurs citoyens, mais d’en faire des petits soldats de l’économie mondialisée.

Les associations militantes étaient mis sous surveillance et les plus virulents emprisonnés, mis en résidence forcée et traduits devant la justice pour des otages de chaises ou emprunts du portrait présidentiel exhibé sur des lieux d’injustice.

Les syndicats étaient dépassés par leurs bases et se plaignaient de la baisse de leurs effectifs tout en prenant conscience qu’ils s’étaient coupés des ouvriers, employés par leur fonctionnement de plus en plus administratif et une proximité au pouvoir dont ils devenaient d’une certaine façon complices par leur mollesse.

La Réforme des Retraites : des jours de grève, des débraillements dans les entreprises, des rassemblements généraux massifs à répétition dans les rues de France, quasi tous les corps de métier mélangés et présents et en face, la stratégie habituelle d’épuiser et faire durer en proposant une conférence (réunions) de financement pour trouver 12 milliards que le gouvernement pleurait de ne pas trouver pour équilibrer le budget retraite !

L’injustice sociale sautait aux yeux, l’injustice fiscale encore plus évidente était hors sujet, et l’urgence climatique s’était invitée sur tous les terrains avec des « marches pour le climat » et des interventions multiples dans les médias et les instances officielles. Le slogan « fin du mois, fin du monde » faisait le lien pour une compréhension globale que les choses étaient liées et les combats communs.






ET PUIS...
la vague pandémique Covid-19 déferla sur la planète, mettant quasi tout à l’arrêt. Après les premières profondes angoisses, le temps du confinement permit la réflexion et la remise en question des priorités, de la hiérarchisation des choix politiques, mit en lumière les contradictions permanentes pour cacher l’incompétence, l’absence de prévention, la dépendance énorme de cette mondialisation et les mensonges des mois précédents remis à leur place…
Après plus d’un an de surdité, d’ignorance des revendications, des demandes, le président-roi appelait à l’union nationale avec sa théâtralité habituelle qui ne faisait même plus spectacle et qui tombait dans le vide abyssal qu’il avait lui-même creusé. La défiance était totale et la gestion catastrophique de la crise montrait au grand jour à qui on avait affaire et qu’ « ils » n’étaient que des pions à blablabla puisque la réalité montra bien que le pays tenait grâce aux « invisibles » toutes celles et ceux qui protestaient dans les rues depuis deux ans et qu’ils ignoraient royalement ne s’adressant qu’à une frange de la population, celle qui a déserté les bureaux de direction, en laissant LES GENS en première ligne...Ceux qu’ils appelèrent ensuite les héros pour qu’on ne voit pas leurs inutilités à eux, et qu’ils avaient gazés et écrasés des mois durant, avant, donnant des ordres de répression à une police de plus en plus politique qui était encore à l’écoute de consignes qu’ils auraient dû ne plus suivre.


Alors oui, viennent les questions, multiples et l’interrogation sur notre responsabilité, notre complicité inconsciente, …


APRES
Le déversement de milliards pour que l’économie reprenne « comme avant » mit en plein jour le mensonge idéologique sur le financement des retraites par mutualisation. La dépendance énorme envers la Chine et les USA se faisait évidente avec ce système des plus-values qui délégua la production délocalisée vers les pays aux salaires et aux conditions de travail honteux et une pollution gigantesque induite par les tankers maritimes, le trafic aérien et le défilé permanent des camions sur nos routes.
Cette prise de conscience ne pouvait plus échapper à personne et la responsabilité de chacun-e était de ce fait sérieusement interrogée. Le clivage entre précaires, chômeurs, sans-papiers, laissez-pour-compte et actifs s’accentuait et le travail lui-même était soumis aux indicateurs de croissance et à leur utilité pérenne. La crise amena le télé-travail et on pouvait se poser la question du   remplacement dans plein de secteurs d’activité de l’humain par l’intelligence artificielle.
Travailler plus, croissance et emplois pour créer de « la richesse » et combler la dette pour éviter l’effondrement, qui ne peut qu’être inéluctable dans un tel système.

Je ne suis pas économiste, mais les questions qu’on peut se poser ne sont pas moins présentes. Si l’argent est devenu le moteur de l’espèce humaine en quoi la dette est son carburant ? Dollar, yen et euro sont répartis sur les différents continents. Quand l’économie américaine tousse, la planche à dollars déverse les billets. Qui parle de « dette » américaine ? Eventuellement d’inflation, mais par rapport à quoi, à qui ? L’Europe déverse aujourd’hui des milliards pour « relancer l’économie » à l’arrêt depuis des semaines et éviter la « crise économique » à venir. Pour couvrir la dette et éviter l’inflation et un chômage massif, il va falloir produire plus, travailler plus sans augmenter les salaires… Ce qui provoque l’inflation, c’est la « valeur » d’une monnaie par rapport à une autre dans un système d’échange d’importation-d’exportation de biens et de matières. Dans ce cas, effectivement, nous en sommes en partie responsables par notre comportement de consommateurs. Acheter des produits venant d’un autre continent participe à ce système. Mais si on s’en tient, pour l’essentiel à ce qui est produit dans sa zone monétaire, l’inflation n’a que peu de sens, et la dette non plus. L’augmentation des salaires ne peut donc que participer à une circulation de l’argent et à la production. Mais ce qu’on entend est bien le contraire, puisque les patrons demandent d’accepter des baisses de salaires et l’abandon d’une part des vacances afin de « sauver l’entreprise et d’éviter les licenciements ». Les lois scélérates de la ministre Péricaud le permettent à présent.
Relocalisation de la production, échanges dans une même zone monétaire et régulation des services publics, des salaires, des conditions de travail, des échanges semblent aussi une piste du changement. Je sais, on va me dire que un Iphone est produit en Chine, vendu sous licence américaine et acheté ici. Une voiture est de plus en plus japonaise, américaine et coréenne plutôt qu’européenne car le coût de fabrication est moindre et donc vendue à un prix « concurrentiel ». On sait tout cela. On a bien compris que les médicaments ne sont plus « made in Europe » et le flux tendu a montré son manque avec un chantage mortifère.
Mais devons-nous acheter chinois ou américain ? Devons-nous produire de la nourriture réservée à l’exportation ? Pourquoi nos chercheurs émigrent là où ils sont mieux payés avec des conditions de travail plus intéressantes ? Pourquoi nos industriels vont-ils produire ailleurs alors que la main d’oeuvre existe tout autant ici ? L’argent, les plus-values, l’avidité des actionnaires qui veulent engranger chaque année plus de bénéfices. Cela aussi, on le sait.

Le système est si pervers, si mondialisé, si immédiat dans le gain qu’on se sent absolument impuissant et qu’on subit, qu’on le perpétue tout en ayant conscience que cela ne peut pas, ne va pas durer puisque basé sur les énergies fossiles limitées, les produits éphémères inutiles, une production alimentaire complètement déconnectée des rythmes naturels, destructrice des espaces cultivables et de la biodiversité et qui engendre des catastrophes climatiques de plus en plus puissantes et de plus en plus nombreuses mettant même en cause la survie alimentaire.






Je me pose des questions et je n’ai pas de réponses, ce serait très prétentieux de ma part, mais j’ai bien conscience que je suis un pion d’un tout, relié. Je peux acheter local, de saison, réduire mes achats de produits importés, limiter mes déplacements, n’avoir qu’une voiture (européenne) par foyer, ne pas aller en vacances en low cost aérien les week-ends prolongés, surveiller l’utilisation de l’eau, des énergies domestiques, réparer, échanger au lieu de jeter, partager, entraider, avoir une vie sociale créatrice de liens, …. ( Chacun-e rajoutera à cette liste de comportements et d’actions ce qu’il-elle vit au quotidien). Je sais bien tout autant que cela ne changera globalement pas le système, même si nous sommes des centaines, des milliers, des ...à agir de la sorte dans cette résilience qui est notre survie.




SANS LES GENS
On peut aussi dénoncer ce système, montrer ses incohérences, débusquer les mensonges, la propagande qui sert les intérêts de cette caste mondialisée qui dirige la politique et l’économie. Mais sans les gens, ce système ne fonctionne plus.
On l’a bien vu durant cette pandémie que les services, la nourriture, la santé, ... étaient le produit des gens qui ont continué à faire « tourner » le pays en se mettant en danger, en exposant leur vie sans compter.
Si on prenait conscience de cette puissance, de cette force collective, avec des convictions acquises par les leçons de cette pandémie, le rapport de force pourrait s’inverser. Les bases d’un changement profond sont là puisque toutes les revendications ont été exprimées ces dernières années, jamais prises en compte par un pouvoir qui détient toutes les manettes grâce à des institutions qui ne sont plus adaptées, plus proches d’une royauté absolue que d’une République des citoyens.

Reprenons le pouvoir localement déjà, changeons nos façons de consommer, de vivre, d’établir nos relations humaines, afin de prendre conscience de notre force de changements, de se réapproprier nos vies.
Nous sommes humains, une espèce fragile, dépendante, sociale, liée à un tout, aux espèces animales et végétales. Retrouvons cette humilité pour éprouver cohérence, sens et apaisement.

L’avenir n’est pas écrit.




«  Ceux qui se battent peuvent perdre, 
ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu  » *









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* citation de Bertold Brecht

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