« Il
est où le bonheur ? » s’interroge François Ruffin,
titre de son dernier livre. Le journaliste-député après sa tournée
des ronds-points (« j’veux du soleil ») a
rencontré des jeunes de « Youth for Climate » et propose
des perspectives pour agglomérer les différents combats sociaux et
climatiques dans un Front Populaire Ecologique.
On
peut discuter longuement du réchauffement climatique, on peut
discuter longuement du réchauffement social, mais on ne pourra pas
longuement nier qu’ils ne sont pas là !
« Anthropocène », « fonte
de la banquise », « acidification des océans »,
« sixième extinction des espèces », « rapport du
GIEC », « accord de Paris »,
« collapsologie »,...les jeunes, ou du moins un
certain nombre d’entre-eux, ont intégré tous ces constats, ces
déclarations depuis un moment et on aurait tort de les considérer
comme des gamin-e-s, car eux, la planète en danger, ils sont nés
avec, ils grandissent avec... « Une formidable
maturité,...mais mêlée ...à une candeur politique... ».
Ce qui est détruit ne se reconstruira pas. On a beau alerter,
manifester en nombre, les décisions en restent au niveau des mots,
disent-ils. « Au cri de Tous ensemble, ils veulent nous
faire embrasser nos tyrans ». « Puisqu’ils nous
menacent, on va les menacer, ...on n’a pas le choix….on a des
amis qui se préparent à la violence » . Voilà un
cheminement de l’esprit actuellement avant un possible passage à
l’acte. Et la tendance est la même pour une partie des Gilets
Jaunes, probablement. Des mouvements qui cherchent la « meilleure »
voie vers l’action, mais qui ne peut être « ni
l’opportunisme, ni le meurtre ».
Alors,
on fait comment ?
« Des
luttes pour des lois, et encore des luttes pour faire appliquer les
lois. » « Bref, il nous faut gagner dans les urnes. Et
aussitôt après, la rue, la rue, la rue. Sinon, quoi ? Sinon,
rien. »
Le
présidentialisme a tué tout espoir de démocratie. La démocratie,
c’est autoriser le conflit. Nous sommes tombés dans une
résignation, une absence d’espérance, tellement nous sommes
phagocytés dans nos têtes par la propagande, la peur, leur
puissance. Mais l’histoire nous laisse la mémoire de 1789, de
1936, de 1968. Les « acquis » viennent de luttes et de
lois imposées par des rapports de force. « Quand
l’emportons-nous ? Lorsque les classes populaires se joignent
à la petite bourgeoisie culturelle, aux éduqués, à la classe
intellectuelle. » …. « lorsque
ceux d’en haut ne peuvent plus, ceux d’en bas ne veulent plus, et
ceux du milieu basculent avec ceux d’en bas » comme
le théorisait Lénine en son temps.
Depuis
1981, il n’y a eu qu’une accumulation des fractures :
économique, sociale, géographique, éducative. Cela a éloigné les
uns des autres, a isolé chacun-e dans sa souffrance, sa colère, sa
désespérance. Le mouvement des Gilets Jaunes a ravivé la
solidarité, la fraternité. Youth for Climate a ramené l’écologie
au premier rang. Au point de rupture où nous nous situons, les liens
se créent, indispensables pour agir efficacement. « Parler
aux uns des autres, et aux autres des uns, des façons de voir le
monde, des raisons de cela » .
Des
années, on nous a bourré le crâne avec concurrence, croissance,
compétition, libre-échange, mondialisation, ….mais on a constaté
aussi toutes les dérives, les détresses, les conditions de travail,
le délitement social, les inégalités et injustices flagrantes et
la destruction massive de la planète. La « croissance »
ne fait plus le bonheur.
« Sans
croissance, pas de redistribution » claironne notre
président-banquier, alors que le PIB français est de 2 300
milliards €. Une grosse escroquerie, donc. Relocaliser l’économie,
faire des actes pour réduire notre impact par nos multiples petits
gestes, nos choix de consommation, énergétique, de déplacement,
bien sûr, mais cela ne représente qu’une parcelle minime de ce
qu’on enlève de leur domination, car quand on ouvre le frigo ou
allume la radio/tv, on se rend compte de leur puissance, leur
duplicité, leur hypocrisie. On voudrait nous culpabiliser, mais les
avions, les tankers, les camions... « Ils règnent sur
les banques, la chimie, les médicaments, les médias, le lait, le
cacao, le coton, les cantines, sur l’électroménager, les
voitures, les autoroutes, l’ameublement, les supermarchés, la
téléphonie, sur les shampoings, les jupes, les tee-shirts, les
baskets, sur les mines d’or, d’argent, de cobalt, de nickel,
…..ils règnent sur tout ou presque...Ils nous dirigent avec notre
complicité, notre docilité, notre servitude volontaire. »
Nous savons bien de quelle côté de la fracture nous nous
situons. Mais notre force, c’est le nombre. Rapport de force. Alors
faisons-le exister à nouveau.
Quel
monde voulons-nous ? Pour nous, nos enfants, nos petits
enfants ?
« Il
faut créer un front commun, un front des communs, ...qu’à
la place de nous diviser, l’écologie nous rapproche, rouges,
verts, jaunes, qu’elle allie classes populaires et éduquées. »
Dépasser les égos, les plans de carrière, « s’unir pour
donner d’autres espoirs que l’extrême-droite et
l’extrême-argent, duel joué et rejoué depuis trente
ans »…. « que cesse la bataille des nains pour
qu’on puisse bousculer les géants ».
François
Ruffin nous soumet son « rêve » ou prophétie de ce
Front Populaire Ecologique.
L’avenir
n’est pas écrit…
« Le peuple ne nous en voudra pas d’avoir échoué,
mais il
nous en voudra de ne pas avoir essayé. »
(Roosevelt)
Les
textes en italique sont des extraits du livre.
François
RUFFIN « il est où le bonheur ? »
Editions
Les Liens qui Libèrent – oct 2019 / 14 €
en
vente sur le site du journal Fakir ou en librairie, s’il en
reste par chez vous !