vendredi 22 mai 2015

Les enfants sont l'avenir d'un pays, pas les soldats de "l'économie" !

Vous savez bien que ma formation de base a eu lieu dès mes 15 ans à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Strasbourg, avenue de la Forêt Noire, la première de ...France créée par ...Napoléon !
Et donc , je suis devenu instituteur. Pendant de longues années, j'ai enseigné dans le primaire, puis j'ai été formateur (presse à l'école, vidéo, informatique), j'ai enseigné le français dans des pays étrangers et puis, jusqu'à ma “retraite” ,  j'ai enseigné au collège en SEGPA, vous savez ces classes dépôt où on met les inaptes de l'Education Nationale. Je suis exprès très dur dans les mots utilisés.
En effet, dès qu'un-e enfant est un peu vif, actif, bouge, n'obéit pas au doigt et à l'oeil, ne rentre pas dans le moule “Education Nationale”, a accumulé du “retard” dans les ”apprentissages fondamentaux”, il a des chances (drôle d'expression) de se retrouver en sixième SEGPA !!! jusqu'à la 3ème où il-elle quittera le système scolaire obligatoire...souvent sans aucune qualification, sans aucun avenir...Et l'Education Nationale s'en contente puisque l'avenir du pays est ailleurs !!!!!



J'ai beaucoup aimé travailler avec ces élèves, les écouter, construire quelque chose ensemble dans des projets individuels très diversifiés. J'ai souvent été en conflit avec la direction administrative qui ne voulait qu'une chose : que le temps passé au collège se fasse sans vagues, sans drames, sans violences et que ces élèves quittent au plus vite le collège. Bref, c'étaient des taches...les laissez-pour-comptes...Bien sûr, ils-elles faisaient des “stages de formation” , d'apprentissage, deux-trois semaines par ci, par là, à regarder, à balayer, à s'ennuyer, lorsque ils-elles trouvaient un artisan ou une PME qui acceptait de les prendre...Bien sûr, dans le lot, tout le monde n'était pas partie prenante et on disait d'eux-d'elles que c'étaient des sauvages, des bons à rien, alors que quand on prenait le temps de les écouter, de faire des choses ensemble, de monter des projets, on se rendait vite compte de toutes leurs blessures, mais aussi de leurs capacités complètement occultées durant toute la durée de leur scolarité. Comment l'Education Nationale pouvait-elle accepter un tel bilan de 10 ans passés en son sein ?

Alors quand j'entends ce qui se dit sur la réforme des collèges et la montée en puissance du rejet par les politiques, je me dis que pas grand chose ne change dans cette méga “entreprise” qui s'occupe de la force vive du futur d'un pays.

Je suis très critique envers un milieu que je connais bien, que j'ai connu du primaire au collège ainsi que dans les rouages de l'administration.
Si réforme il doit y avoir (et il y en a une tous les 4-5 ans !!!!), il serait temps d'actualiser les logiciels....sérieusement !
Soyons honnête et sans langue de bois et sans chercher à flâter ou protéger qui que ce soit.
Un-e enseignant est payé sur 35 heures comme tout salarié. OK ?
On estime qu'il y a le temps devant les élèves en cours et le temps de préparation et corrections qu'on effectue selon chacun-e à des moments différents, dans les lieux de son choix aux horaires voulus et à la durée approximative selon chacun-e.
On estime donc aussi que chaque enseignant-e respecte ces quotas horaires dûs à l'Etat qui nous verse notre salaire.
Or, on sait très bien aussi que la situation est très différente d'un-e- enseignant-e à l'autre.
Quand on parle d'égalité dans l'enseignement, dans l'Education Nationale, commençons par remettre de l'ordre dans le dispositif professoral afin de redonner du sens à la mission collective des enseignant-e-s.
Je suis très provocateur là-dessus car il me semble qu'une avancée sérieuse là-dessus serait par commencer d'exiger de tous les enseignant-e-s une présence effective dans leur “entreprise” pendant les heures pour lesquels ils-elles sont payé-e-s....Je sais, je connais les arguments contre : chacun voudrait alors son bureau personnel pour travailler, se concentrer, pouvoir corriger dans le calme !!! Je ne parle même pas de la batterie d'autres arguments qui pourraient suivre...



Ensuite, pleurer pour les classes bilangues (en Alsace c'est bilingue), l'enseignement du grec et du latin, le remaniement des contenus de l'enseignement de l'histoire et occulter toutes les autres avancées contenues dans la réforme actuelle, c'est encore vouloir préserver des avantages certains concernant ces classes “privilégiées”. Un Etat républicain doit avoir la mission du collectif d'abord, du bien commun. Cela ne veut pas dire qu'il faut ne pas considérer les élèves aux capacités intéressantes ; ils-elles ont AUTANT le droit d'être aidés, poussés, stimulés plus en avant. Mais certainement pas au détriment de....
Donc, il faut bien des priorités et s'occuper de retrouver un équilibre pour permettre l'émancipation du plus grand nombre et dans sa diversité.
Socle commun, enseignements optionnels, temps scolaire, parcours individualisés, projets professionnels, ...on a déjà tout entendu, tout exploré...mais jamais vraiment évalué car la diversité ne peut pas l'être aussi facilement qu'un test de connaissances...

Et puis il y a eu aussi la réforme des rythmes scolaires au primaire qui a mis la confusion la plus totale partout pour ainsi dire avec des urgences à réorganiser le temps des journées pour les familles et des coûts supplémentaires en garderie, périscolaire et aides diverses. Et le temps à l'école a-t-il tenu compte de l'ensemble des partenaires de la cité scolaire ou de la cité de l'enfance ou bien juste celui des emplois du temps des enseignant-e-s ?
Car là aussi c'était l'occasion d'une remise à plat du rythme de l'enfant adapté au rythme de la journée et de mettre autour de la table TOUS les acteurs de l'enfance qui interviennent dans la journée auprès des enfants à savoir les enseignants, le personnel technique des écoles, les animateurs et éducateurs du périscolaire, de la restauration scolaire, les associations de parents d'élèves et autres intervenants au sein de l'Ecole...
On aurait très bien pu imaginer un temps d'accueil souple le matin, des temps d'apprentissage aux meilleures heures reconnues (9h-11h et 15h-17h), des moments plus actifs physiquement dans des activités diverses animées par les animateurs périscolaires et enseignant-e-s ou associations et avoir une cohérence d'ensemble sur la journée de l'enfant au sein d'une cité de l'enfant avec tous les acteurs qui s'en occupent à un moment ou un autre.

Et pour les contenus me direz-vous. Et bien là encore, chaque enfant progresse selon un rythme propre qui ne peut pas être généralisé, surtout lors des premières années : par exemple, il y a des enfants qui apprennent à lire vite, d'autres ne sont pas encore “prêts”, tous les enseignant-e-s savent cela.
On parle souvent des “fondamentaux”. Mais chacun-e met derrière ces mots ce qu'il-elle veut bien.  Cependant, on commence tous par marcher, parler, puis lire, écrire, calculer, créer, conceptualiser, passer de l'hypothèse à la déduction par l'expérimentation ; ensuite, susciter, apprendre à apprendre, acquérir une connaissance citoyenne sur les institutions, se cultiver pour éveiller sa conscience, …...etc
Vous avez toutes et tous emmagasiné un nombre incroyable de connaissances qu'il a fallu recracher pour réussir des examens ; mais qu'en reste-il réellement et globalement aujourd'hui avec le recul ? Cela permet aussi de revenir à plus de modestie, mais aussi de se consacrer à l'essentiel, l'important pour la vie personnelle, sociale, citoyenne.

Bon, je sais, on peut croire que j'exagère et que je cherche à déconsidérer les enseignant-e-s. Mais ce n'est pas du tout ce qui me traverse. Ce qui guide ma réflexion, c'est plus d'efficacité, plus d'attention, plus d'écoute, plus de respect de l'individualité de chacun-e et de son rythme personnel, plus de lien entre les acteurs de l'enfance et adolescence, de sentir que nous croyons collectivement que les enfants sont les inventeurs de notre futur et que ce futur ne sera pas ce qu'on en connait aujourd'hui (regardez vingt ans en arrière ). Il ne faut donc pas avoir peur d'innover, d'expérimenter, d'écouter, de donner les possibilités, il ne faut pas penser à soi, à son confort quotidien quand on choisit de devenir acteur de l'enfance et de l'adolescence. Ce n'est pas un métier comme un autre et il ne peut fonctionner de la même façon que dans une entreprise industrielle de production.
Autant bien le garder en tête.

Un enfant est une valeur en devenir, pas un soldat de “l'économie”.




les dessins de cette chronique sont de PAT THIEBAUT   www.lagitedulocal.fr

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