Je
ne crois pas que le problème profond soient essentiellement
les
taxes et impôts, mais plutôt l'injustice
fiscale et la répartition de
l’argent public /leur
destination.
Je
paye (ou pas) des impôts selon mes revenus. Dans notre pays, une
République, les impôts sont la part qu'on donne à l'Etat pour
organiser les services publics mutualisés (écoles, santé,
transports, services à la personne-solidarité, ...) et pour le
bien-être pour tous. OR ce qui scandalise et met en colère, c'est
la hauteur (au travers des différentes taxes) de cette contribution
et surtout l'exonération sous différentes formes de celles et ceux
qui sont les plus fortunés : déductions diverses sur les travaux
immobiliers, montages financiers pour exiler ses avoirs dans des
paradis fiscaux , CICE aux entreprises sans conditions , Flat tax,
Impôt sur la Fortune , tranches hautes limitées, ....Et puis la
suite, les dépenses de "fonctionnement de l'Etat" qui sont
démesurées, inutiles souvent..: train de vie, indemnités,
avantages et exonérations des députés et sénateurs, travaux
elyséens et dans les châteaux de l'Etat, déplacements et frais des
ministres , avantages en nature et retraites...Et plus précisément
encore, la destination de nos impôts directs et indirects qui ne
vont pas tous dans les services publics que tout le monde voit se
dégrader par ailleurs.
Bref,
ce sont vraiment ces points qui choquent, blessent, sont
inacceptables, injustes…
« Ils
ont eu des compensations, qu’est-ce qu’ils veulent encore ? »
Le
Président aimerait bien que « l’opinion » se pose
cette question afin que le soutien important de la population diminue
et que les « gilets jaunes » abandonnent leur visibilité
sur les rond-points et autres lieux d’occupation à travers tout le
pays. Mais au lendemain de ses nouvelles « annonces »,
les « enquêtes d’opinion » n’ont pas montré une
diminution parlante du soutien, les revendications de colère du
ras-le-bol général dépassent les miettes distribuées…
Nous
sommes au coeur d’une crise démocratique -déclenchée par la
goutte d’eau qui a fait déborder le verre-, d’une remise en
cause du fonctionnement institutionnel de cette Vème République
(obsolète, avec l’évolution du monde depuis 1958) et d’une
critique du système du « libéralisme social » qui
montre les abus de la caste du capitalisme.
Quand
le décalage est tellement grand entre les décideurs
et la population, la demande est forte d’une représentation plus
proche de la sociologie réelle du pays au Parlement afin que les
propositions de lois soient discutées, débattues et en adéquation
avec les demandes réelles des « gens ». Pour cela, le
minimum est une Assemblée Nationale composée à la proportionnelle
absolue. Cela amènera probablement à des coalitions de gouvernement
comme dans d’autres pays, mais au moins l’ensemble de la
population y sera représentée dans sa diversité. Du coup, les
élu-e-s auront plus de légitimité et devront être à l’écoute
plus attentivement pour porter ces voix.
Si
le pouvoir législatif de l’Assemblée est renforcé, Le Sénat
sera inutile ou pourra se transformer en « conseil des Sages »
ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Assemblée Nationale
et Sénat engloutissent un budget d’argent public pour son
« fonctionnement » et « indemnités diverses des
élu-e-s » qui peut paraître des plus choquants. Tout le monde
remarque bien que le Parlement ne remplit plus ses rôles. Les
députés sont des godillots qui acquiescent d’une seule voix les
directives du Président-patron, l’opposition est réduite à la
portion congrue et juste poliment
écoutée et ... méprisée. On ne peut plus appeler cela une
représentation du pays et/ou du débat respectueux et constructif.
Tout le monde est scandalisé par ce fonctionnement et ce qu’il
coûte à l’heure où nous sommes ponctués financièrement de tous
les côtés. Et c’est à l’identique au Sénat.
Lorsque
le couple Macron décide de (re)faire la piscine de la résidence
présidentielle d’été au fort de Brégançon, de changer la
vaisselle de l’Elysée, de vouloir relooker toutes les pièces,
etc. et que le coût approximatif est divulgué, cela ne peut pas
être reçu non plus comme de l’indispensable en période de
« désendettement » !
Lorsque
des ministres font des voyages lointains de représentativité dans
les avions privés de la République, ces coûts sont choquants tout
autant.
Le Président des riches n’usurpe pas son titre.
Qui a pu
accepter qu’on supprime l’impôt sur la fortune (qui apporte au
moins 4 milliards), la flat tax et le processus du CICE qui octroie
plus de 20 milliards aux grosses entreprises et la grande
distribution, sans contreparties, et que cela enrichit les
actionnaires et la même oligarchie, sans créer d’emplois ?
Qui a pu accepter d’entendre ces mêmes patrons s’installer dans
les paradis fiscaux pour ne pas payer d’impôts en France ?
Qui a pu accepter d’entendre qu’en un an de règne de Macron le
nombre de millionnaires en France a explosé ? Qui peut accepter
que les tranches d’impôt se limitent dès qu’on arrive près des
gros salaires ? Qui a pu accepter l’augmentation de la CSG des
retraités, alors que le point indiciaire a été supprimé et que
chaque année la différence entre l’inflation et la
non-augmentation des retraites fait une perte de 1 à 2 % par
an ? Qui a pu accepter qu’on fasse la promotion du diesel
pendant des années et que tout à coup, il faille mettre nos
voitures à la casse pour acheter des voitures électriques ? Et
pourquoi le nucléaire Areva et ses EPR, ses déchets mortels, actifs
longtemps, plutôt que l’hydrogène ? Qui a pu accepter que
l’augmentation importante des carburants pour les personnes
dépendantes de leur voiture pour aller gagner un salaire était un
effort général demandé, alors que les camions, les avions, les
tankers et bateaux de croisière étaient exonérés ?
Qui
a pu accepter un discours où le Président voulait nous faire croire
que ces augmentations de taxes (avec le tabac aussi) allaient servir
la transition écologique et diminuer notre dépendance aux
ressources fossiles, alors que ces sommes étaient attribuées pour
la plus grande part au budget général et attribuées au CICE (entre
autres) ? Dont bénéficiaient des entreprises polluantes
(Total) qui continuaient d’exploiter, avec les autorisations
présidentielles et du ministre de l’écologie, des mines et des
forages de ces ressources fossiles…
Qui
a pu accepter de se voir « offrir » (après plus de 3
semaines de revendications polymorphes) une augmentation biaisée du
Smic, conditionnée à la prime d’activité, prise en charge par
ceux qui payent les impôts (!!!), tout en sachant que plus de
80 milliards sont dans les paradis fiscaux et détournés par les
exilés fiscaux (Suisse, Belgique, Luxembourg, Gibraltar, etc.). Le
Président peut bien se glorifier de redistribuer 10 milliards (de
nos impôts!), qu’est-ce devant ces autres montants détournés ?
Qui
a pu accepter le passage à 80km/h et les radars sur les 4 voies qui
flashent et enrichissent le tiroir-caisse de l’État ? Qui
peut accepter que devant les déclarations du « leader mondial
de l’écologie-Make our planet great again ! », les
projets inutiles polluants et d’un autre âge (comme les nouvelles
autoroutes-à péage- le GCO de Strasbourg et autres) se fassent
contre l’avis d’une grande partie des communes impactées tout
en bétonnant des terres fertiles ? Qui a pu accepter qu’on impose
de nouveaux compteurs intelligents électriques Linky, alors que les
30 millions existants fonctionnent bien et ce uniquement pour
récolter nos données et enrichir le Big Data dont EDF-Enedis se
veut un acteur futur important, sans compter les problèmes de
pollution et de santé par les ondes ? Qui a pu accepter qu’on
veut privatiser de plus en plus la Sécurité Sociale en encourageant
les mutuelles privées à prendre le relais ou une part plus
importante ? Qui a pu accepter que les hôpitaux doivent devenir
rentables, que le personnel soit réduit et que la charge de travail
(et de responsabilités) devient impossible à supporter ? Qui a
pu accepter la dégénérescence des services publics, la fermeture
de lignes ferroviaires et la desserte des communes, les tarifs des
transports collectifs peu incitatifs ? Qui a pu accepter la
diminution drastique des enseignants, des fonctionnaires ?
Qui a pu accepter les nouvelles dispositions de sélection de
Parcoursup et de la réforme du baccalauréat à venir ? Qui a
pu accepter ….
On
pourrait continuer la liste de façon très longue tant ce qui
s’exprime aujourd’hui est un catalogue, tout à fait recevable
pour la plus grande partie, de colères multiples, profondes, de cris
de justice, de revendications mainte fois répétées jamais prises
en compte, d’une misère pas forcément visible partout mais bien
réelle, de précarité qui peut se transformer en une violence plus
radicale puisque quand on a plus rien à perdre ….
Le
Président Macron a tout fait pour éliminer les partis politiques et
les syndicats, et aujourd’hui, il se trouve bien seul devant le
peuple de France, qui n’est pas le milieu des banquiers,
économistes et grands patrons. Et ça, il ne connaît pas. Alors, il
sort les recettes apprises à l’Ena, à la Banque Rothschild, au
ministère de l’économie.
Mais
la rupture est bien plus profonde qu’il ne peut même imaginer et
ces recettes ne prennent plus. Son long silence devant les « gilets
jaunes » qu’il aimerait bien globaliser en
casseurs-délinquants a eu un effet inattendu. Les premières
revendications de mi-novembre étaient basiques, immédiates. Mais il
n’a pas voulu entendre et pendant cette longue absence, les gens se
sont rassemblés, la mobilisation a enflé, les discussions sont
devenues des débats argumentés. Cela a amené une plus grande
conscience globale et les revendications se sont élaborées grâce
aux liens établis avec toute une série d’informations qui ne
passaient pas par les canaux des médias de propagande (aux mains de
quelques millionnaires, « amis » de Macron), mais par ce
qu’on appelle les « réseaux sociaux » , les
témoignages multiples. Et puis, la prise de conscience aussi que
l’action collective est plus puissante que tout. Macron a essayé
de diviser, mais « la fin du mois » et « la fin du
monde » se sont rejoints, convergent dans des revendications
communes qui font l’esquisse d’un nouveau monde, d’une nouvelle
civilisation qui n’a rien à voir avec le rêve financier de Macron
et de « SON monde ».
Après
ce moment dramatique, sanglant, meurtrier, perpétré par ce fanatisme
(qui se dit religieux!) et la période de « trêve » de
fin d’année, les occupations reprendront, pour marquer la
visibilité de ce combat social, humain. Ces lieux « Nuit
debout » populaires sont des endroits de forums de
discussion et d’apprentissages stratégiques, de liens qui se
créent dans la lutte collective, une force qui se découvre et qui
n’est pas prête de s’arrêter.
Justice
fiscale, exemplarité
Tant
que la justice fiscale ne sera pas mise en œuvre, tant que les
impôts ne serviront pas à nouveau les seuls services publics en les
redéployant, tant que l’exemplarité ne sera pas imposée à nos
élus/ dirigeants (rémunération, missions, déplacements, frais à
justifier, etc.), tant que les instances décisionnelles ne seront
pas proportionnelles, paritaires, il ne faudra pas s’attendre à
retrouver une paix sociale.
Il
y a aussi des pistes locales, régionales, pour sortir d’un système
qui n’est plus adapté à NOS exigences. On peut se nourrir
localement (et de saison), on peut chercher plutôt l’artisan local
que la grosse entreprise, on peut voyager collectivement ou partager
les véhicules, exiger des tarifs abordables pour les transports
publics gérés régionalement, on peut se soigner autrement, trouver
des loisirs associatifs, une culture populaire d’émancipation dans
les médiathèques et animations diverses sur un territoire donné,
aller vers les créateurs, intégrer la jeunesse en développant les
lieux de rencontre intergénérationnelle, revenir à une démocratie
directe au sein des communautés villageoises, ...etc…
L’avenir
n’est pas écrit !
DESSINS
VEESSE www.hebdi.com le magazine satirique indépendant alsacien
AUREL www.politis.fr
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Il
me faut rajouter une remarque concernant les « symboles »
visibles sur les lieux de contestation.
Je
veux parler des drapeaux « rot und wiss » et tricolore,
souvent cités. Le drapeau blanc et rouge est alsacien, le drapeau
tricolore français. Dans d’autres régions, on voit le drapeau
breton, occitan, corse, ...qu’on identifie à une région. Même si
en Alsace, celui-ci a été repris par Unser Land, parti régionaliste
et le drapeau tricolore capté par le Front-Rassemblement National,
cela, pour moi, n’indique pas que les « gilets jaunes »
soient régionalistes et d’extrême droite.
Le
drapeau rot-wiss appartient à TOUS les alsaciens et le drapeau
tricolore est le drapeau de la République qui appartient à TOUS les
Français. A nous de ne pas abandonner, de ne pas laisser
détourner...C’est mon avis !
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