dimanche 2 décembre 2018

C ‘EST L’ECOLOGIE QUI PESE SUR LE POUVOIR D’ACHAT  ? ... « qui sème la misère récolte la colère »...

C’est évidemment toute la politique économique qu’il faut reconsidérer et ce n’est pas faute d’avoir répété depuis des années que le capitalisme va droit dans le mur en nous entraînant dans sa chute. Paradoxalement, la conscience du péril climatique a progressé. Les « gilets jaunes » ont imposé, d’une certaine façon, une réflexion sur le rapport de l’écologie au social. Cela est devenu une question politique et une idée générale, capitale, qu’écologie et luttes sociales sont désormais inséparables dans la façon d’aborder les problématiques de la vie quotidienne. Et l’attente d’une prise en compte de ces deux exigences ne peut pas être biaisée. Les propositions du Président de la République et des exécutants de son gouvernement ne vont pas du tout dans le sens de cette conciliation. J’augmente les taxes, mais j’offre des primes, je baisse le prix du permis de conduire, …mais « en même temps »,  l’affectation des taxes permettra de combler « le coût de la transformation du CICE * en allégements de cotisations...contrebalancées par la poursuite de la montée en puissance de la fiscalité sur le tabac et de la fiscalité écologique...» **. La leçon délivrée par le Président mardi dernier pour répondre à la grogne forte exprimée par le mouvement des « gilets jaunes » est un enfumage total et une manœuvre pour le moins perverse. Le réchauffement climatique nous impose de réduire les émanations de carbone, les ressources naturelles s’amenuisent et leurs prix amputent largement le budget général, les impôts et taxes payent les services publics.
Oui, mais ...Nous pousser vers le tout électrique et poursuivre la politique nucléaire (EPR et allongement des vieilles centrales), utiliser les taxes « carbone, écologiques (!) » pour combler le trou budgétaire des cadeaux fiscaux aux entreprises (qui ne créent pas d’emplois mais reversent aux actionnaires), voir l’amenuisement des services publics et la réduction de leurs personnels, cela ne colle pas du tout avec la vision et le scénario présentés par le chef de l’État.
La création d’un « Haut Conseil pour le climat » (un de plus avec les commissions déjà existantes auprès du Ministère de la transition écologique) est une stratégie de pourrissement et d’épuisement des mobilisations réparties dans toute la France. Cette forme de « réponse » aux revendications exprimées dans le pays, et soutenues par plus de 75 % de la population, suggère très nettement que c’est l’écologie qui pèse sur le pouvoir d’achat. Le décalage est fort entre « classe laborieuse, classe moyenne « éduquée » » et élus, comme si la demande de justice fiscale  ne résonnait pas plus loin que les ronds-points occupés, comme si l’injustice sociale n’était jamais visible sous leurs fenêtres. La promesse d’un « vous verrez, ça ira mieux demain » (éternelle ritournelle des présidents successifs) et le « nouveau monde » dessiné par M. Macron n’éblouissent pas les français, qui y seraient réfractaires, se cabreraient (selon lui).



Et ce mythe répété, « le nouveau monde », en quoi serait-il nouveau ?
Un peu d’histoire : en 1776, l’économiste écossais Adam Smith développe  le principe que plus on fait de profits, plus on peut employer d’aides. L’augmentation des profits des entrepreneurs privés est la base d’une croissance de la richesse et de la prospérité collectives (capitalisme). On ne s’enrichit pas en partageant le gâteau mais en augmentant la taille du gâteau. Les riches font tourner les roues de la croissance à l’avantage de tous. MAIS SEULEMENT si les profits sont réinvestis dans la production.
Or, la nouvelle noblesse actuelle sont les présidents des Conseils d’Administration, des courtiers en bourse (banquiers), des industriels puissants. Le capitalisme, de théorie du fonctionnement de l’économie, devint une éthique, un ensemble de doctrines sur la façon dont les individus doivent se conduire, éduquer, penser, ...C’est une façon d’inculquer que la croissance économique est le bien ultime parce que tout le reste en dépend : la justice, la liberté et même ...le bonheur !
Le culte du marché impose que le capital doit être libre d’influencer la politique, MAIS il ne faut pas laisser la politique influencer le capital. Il faut donc mettre l’État à l’écart de l’économie, à réduire la fiscalité et la régulation au strict minimum, pour laisser les marchés libres de faire.
Les marchés ne protègent pas les employés, mais nivellent vers le bas (entendement sur les salaires, heures de travail, droits, …) ***

Croissance, privilégier les entreprises pour créer de l’emploi, financiariser toutes les activités, privatiser les services (optimiser/rentabiliser/équilibrer (!), capitaliser retraites et mutuelles, c’est quoi la nouveauté en marche ?
Rien qui ne ressemble pas déjà à ce qu’on a connu depuis qu’on est né. Alors, le ravalement de façade, le jeunisme comme valeur innovante de changement, ne sont que des avatars d’une politique économique qui a traversé plusieurs siècles et qui a phagocyté petit à petit tous les pans de notre vie quotidienne.





Et s’il y avait d’autres voies ?

Si l’État ( qu’on a le droit d’interpeller sur l’usage de nos impôts - article Constitution), n’entend pas la colère générale de ses « administrés » qui n’opposent pas écologie et social, mais répètent inlassablement : écologie, oui, mais justice fiscale (ISF, flat tax, CICE, paradis et évasion fiscaux), justice sociale (salaires, Smic, TVA, CSG, services publics,...), exemplarité (élus, entreprises,...), alors ce sont les personnes au quotidien qui devront agir sur le pouvoir d’achat, par d’autres choix locaux et du boycott, une organisation plus collective et démocratiquement directe.
Les exemples ne manquent pas, les réseaux existent, le pas de la porte peut être franchi. Et surtout, rester convaincus que, dans les rapports de force, ce sont le collectif, la communauté, qui l’emportent.

Quelques pistes (mais il y en a déjà des multitudes d’autres). Regardez, écoutez, essayez ...
- se nourrir : localement , autour de vous, vous avez des producteurs. Ici dans la haute vallée, on a des éleveurs, des transformateurs, ce qui fait qu’on trouve dans les fermes des jeunes paysans alentour, viandes, fromages, laitages, et puis, plus bas, des jeunes maraîchers s’installent et vendent sur le marché et sur leur exploitation, légumes frais de saison. Changer du supermarché au marché ou directement chez le producteur est un acte de résistance, de changement, de consommer et faire vivre localement. Et pour les autres produits, des achats groupés peuvent réduire déplacements et prix. Les « épiceries solidaires » aussi commence à se multiplier...

- se loger : difficile de payer un loyer, un remboursement de prêt et y ajouter les taxes locales (habitation/foncière) sans compter électricité, eau, chauffage électrique/mazout, téléphone/internet qui augmentent chaque année, mais pas les salaires qui ne compensent même plus l’inflation. Difficile de trouver des solutions alternatives à part construire des maisons passives à base de paille, bois, sur des chantiers partagés.

- se soigner : courir chez le médecin au moindre bobo est la démarche angoissée de beaucoup d’entre nous. C’est un peu puisqu’on a perdu toute notion de notre corps et qu’on n’a plus confiance dans nos anti-corps, dans les produits naturels (plantes, préparations, huiles, …). Et pourtant, les molécules chimiques, l’abus d’antibiotiques fatiguent nos corps et rajoutent de la chimie pas entièrement maîtrisée. Les scandales sanitaires ne manquent pas...

- se déplacer : covoiturage, trains TER, bus...Quand cela est « possible » : en fonction des services publics, des horaires de travail et d’un certain engagement personnel à privilégier ce type de déplacement.

- se cultiver : les médiathèques, les séances de « ciné-village », les conférences-débats, les lieux de rencontres qui sont des lieux de discussion (bistrots, clubs, ateliers, associations, …), …

La liste est longue des initiatives locales qui existent partout et chacun.e peut y participer, y contribuer à sa façon. Mais il faut y croire, sortir de chez soi, oser aller vers les autres et ne pas les considérer comme des ennemis ou des cons...Et puis se rendre compte que chacun.e a des savoirs et savoirs-faire et que ce partage des compétences est bien plus riche qu’on ne le croit.  Aussi, il faut  relativiser une idée fausse de la loi naturelle qui affirmerait que c’est chacun pour soi et que le plus fort l’emporte. Cela est contredit par plein d’exemples dans le règne animal et même végétal que sans l’aide commune ou les corrélations certaines survies n’existerait pas : la solidarité, l’entraide sont des valeurs réelles, pas des vues de l’esprit. D’ailleurs l’homme si prétentieux est un animal bien fragile qui sans l’entraide de la famille de la communauté ne pourrait pas survivre. Pendant des années, il est dépendant pour se déplacer, manger, être à l’abri avant de pouvoir « quitter le nid ».
Des années...Donc, il faut arrêter un certain nombre d’idées toute faites, des représentations culturelles, religieuses, fausses et refaire confiance en notre capacité collective d’entraide et d’imagination, de créativité…





« Gilets jaunes » et (r)évolution

Cela fait 3 semaines que la colère monte, s’amplifie, se diversifie, se généralise à travers tout le pays, et doucement même au-delà. Le Président - qui a tout fait pour annihiler, occulter les « corps intermédiaires » (syndicats, partis), qui a mis en place une Assemblée Nationale de député.e.s godillots (qui sont à sa botte), qui votent comme « un seul homme » - , se retrouve seul, sans interlocuteurs, directement face au « peuple de France » qui, contrairement à ce qu’il veut faire croire, n’est pas un ramassis d’ignorants, de manipulés, de « extrêmes-droite », de « extrêmes-gauche », de « criminels », de « terroristes », de « zadistes » (termes utilisés à la TV pour nommer les « casseurs »!), mais bien des employés, ouvriers, artisans, chômeurs, fonctionnaires, retraités, etc..., cette multiplicité de profils qui font la richesse d’un pays. Quand plus de 75 % de la population se déclarent en soutien (même passif) de ce mouvement de ras-le-bol et que le Président pendant 3 semaines n’apporte aucune réponse (si ce n’est une leçon d’écologie!!!) tout en se plaignant que cette colère se transforme en une escalade de violence matérielle et qu’il faut la réprimer (qu’on entend même des policiers demander l’intervention de l’armée), alors on sait qu’une étape a été franchie et que le pouvoir en place est impuissant dans la proposition, dans la méthode et ne connaît qu’une chose : la répression, l’immobilisme politique. Et c’est là que commence à apparaître le vrai visage : dès que le « marché » est fragilisé (occupation des lieux de grande distribution, des centres des impôts, des préfectures, des péages, ...etc…) et que les chiffres d’affaires diminuent, là les « vrais patrons » vont voir le Président exécutant afin qu’il rétablisse leur ordre pour que « les affaires » ne s’arrêtent pas, reprennent.
Cela au moins permet de bien comprendre en quoi chacun.e est considéré ou pas. Notre avis ne compte pas, c’est juste le dérangement qui les embête. On peut aller défiler tranquillement autant qu’on veut, tant que les « affaires » tournent et que tout le monde va bosser et ...consommer, alors tout va bien.

Mais voilà, une hausse de l’essence-diesel a fait déborder le vase du ras-le-bol, de la misère qui s’installe, des fins de mois qui arrivent vers le 15 déjà, de l’incertitude des retraités et donc de la vision assombrie d’un avenir pour les plus jeunes. Les raisons sont polymorphes, multiples ce qui permet de mesurer la désespérance de beaucoup et l’État réel de notre pays.



Ce président et son gouvernement d’exécutants sont coincés dans leur propre « jeu politique ». Arrivés au pouvoir par une stratégie bien conçue **** (il ne faut quand même pas oublier que le Président actuel était...ministre de l’économie du gouvernement précédent. Quoi ? Vous aviez déjà oublié ? Et aussi banquier d’affaire, énarque), le PDG France a joué sur le « ras-le-bol » POLITIQUE (et un taux d’abstention phénoménal) pour faire croire à un changement par le rajeunissement. Grâce à ce système électoral du passé, de la Vème République (il y a 60 ans) qui fait qu’avec 25 % des électeurs inscrits, on peut devenir Président pour 5 ans avec tous les pouvoirs,  M. Macron pensait libéraliser, privatiser, plein de secteurs de notre pays afin que le marché puisse être libre encore plus sans être enrayé par un contrôle politique. Une continuité, rien de nouveau !

Mais le ras-le-bol politique s’est, en moins de 18 mois de règne macronien, transformé en ras-le-bol fiscal, social et avec une exigence d’exemplarité. Le Président des riches se retrouve avec une grève  du peuple, prêt chaque jour à accentuer sa pression politique, économique en attendant des réponses fiscales, sociales et exemplaires (des « efforts » partagés par TOUS ! ).
Et comme ce prétentieux se croit tout puissant et d’une intelligence « supérieure/complexe ! », alors ce roi traite son peuple comme des gueux du haut de sa légalité électorale et croit le calmer en jetant quelques pièces, de la dîme récoltée…

Mais après Louis XIV, il y eut Louis XVI et une fin de règne sanglante, ce que personne ne souhaite. Mais « qui sème la misère, récolte la colère ». Le vrai responsable des violences, c’est lui avec son silence et son mépris dédaigneux, hautain.
Nul ne sait aujourd’hui, ce que sera demain.
Mais le mouvement des « gilets jaunes » connaît les dérives et les stratégies d’un pouvoir politique. Demander des « responsables », les amener à « négocier », puis les « neutraliser » en mettant en avant exigences irréalistes, manque de cohérence, jouant sur leurs faiblesses personnelles ou leur faire miroiter une carrière, un avenir, flatter les égos ….bref la panoplie est connue ! Aussi, il n’y a pas de « négociateurs », mais juste des voix, des témoignages, des oreilles, des représentants locaux. Il n’y a rien à négocier, c’est au pouvoir, au Président de lâcher, de décider, de proposer.
Il n’y a pas de récupération politique car le mouvement se veut politiquement non-marqué. Les partis ne peuvent qu’accompagner le mouvement, l’ignorer, attendre pour rebondir.
La manœuvre de ces prochains jours pour le Président va être de demander les positions des partis politiques et de semer la zizanie à ce niveau. Mais les « gilets jaunes » ne sont pas dupes puisque les partis ne les représentent pas et la patience (par rapport au « silence élyséen ») a des limites...
Rien n’arrêtera le mouvement de suite. Les ronds-points, les lieux de contestation sont devenus des agoras de discussion, d’échanges, comme en leur temps les « nuits debout », mais avec une sociologie large ce qui a fait émerger une évolution des revendications. Ces lieux de liens sociaux qui se découvrent ont déclenché plus qu’on ne croit et qui rentrent presque dans l’intime. C’est donc bien plus profond et ancré qu’on veut le dire…

Et puis l’escalade de la violence. Difficile pour les médias (même de propagande) de distinguer qui fait quoi. Et pour cause. On sait bien depuis le temps que au sein des casseurs, on peut aussi trouver des provocateurs qui vont inciter à intensifier la violence dans un phénomène de déresponsabilisation dans un groupe. Mais ils peuvent être des délinquants voleurs, des activistes politiques et/ou des ras-le-bol/plus rien à perdre ou encore des policiers en civil… Il y a donc au moins 3 types de violence : sociale, politique, délinquante.




M.Macron a beau dire « comprendre la colère, refuser la violence ». Mais la violence, elle démarre où ? par qui ? On l’a vue à l’oeuvre à Notre-Dame-Des-Landes , à Kolsheim-GCO, à Sivens, à Bure, à …., les exemples ne manquent pas. Et quand on dédaigne les gens en laissant pourrir la situation sans apporter de réponses adaptées, la responsabilité est énorme et pas la peine d’essayer de la déplacer.

Les gens ne sont pas idiots, même si tout est fait pour les aculturer, les niveler…

L’avenir n’est pas écrit….



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* CICE : Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés. Le CICE représente un coût pour les finances publiques. Ce coût est estimé à plus de 21 milliards d’euros en 2018. L’émission TV Cash Investigation, d’autres enquêtes journalistiques comme le journal Fakir  ont consacré des dossiers sur le CICE dans lesquels ils dénoncent le fait que plusieurs enseignes de la grande distribution et de nombreuses entreprises auraient transformées l'aide de l'État en dividendes pour les actionnaires, ou en rétributions pour les patrons. En janvier 2019 (entrée en vigueur de nouvelles taxes sur les carburants), le CICE se « transforme » en allègements de cotisations !!!

** Rapport économique, social et financier, adressé à la Commission européenne par rapport au 

     projet de Loi de Finances 2019

*** Lire « SAPIENS » une courte histoire de l’humanité de Yuval Harari , 

      ainsi que « DEUS » (la suite- intelligence artificielle, le monde demain)

**** Réveillez votre mémoire récente. Qui, il y a 2 ans à peine, aurait pu parier que cet ex-ministre de Hollande allait être président alors que Fillon partait vainqueur haut-la-main !!!! Alors croire que les choses sont acquises, c’est un leurre...Souvenez-vous Chirac qui dissout l’Assemblée pour avoir encore plus de pouvoir et se retrouve en cohabitation avec une majorité de gauche après les élections législatives qui ont suivi et Jospin/PS, premier ministre.

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