Vous
commencez à vous demander si l’air de la montagne est vraiment si
pur puisqu’il semble dérégler un peu le cerveau quand vous lisez
le titre de cette chronique. L’euphorie des hauteurs, l’atrophie
liée au recul, la perte de repères, ...Et bien non, c’est juste
la suite d’une stratégie que peu de personnes comprennent jusque
là.
Vous
avez bien lu (entendu) tous mes arguments, mes analyses dans les
« chroniques » précédentes qui m’amènent au choix
(et je ne serai pas le seul, loin de là) du boycott conscient à la
Présidentielle 2017. Je ne reviendrai pas là-dessus ici, mais ce
que je disais il y a des mois déjà ne fait que se confirmer chaque
jour un peu plus.
Vous
avez compris aussi que si je compare les programmes entre ceux qui
sont déjà publiés et dévoilés, mon choix irait vers « l’avenir
en commun » qui marque une vraie rupture et donne de
nouvelles perspectives. On ne peut pas être d’accord à 100 %
avec ce qui y est proposé, mais l’essentiel y est avec des points
à éclaircir, certes. Bien entendu, ce programme n’a rien à voir
avec la poursuite de la politique menée depuis dix ans (et bien
plus) qui est d’essence libérale encourageant entreprises du CAC
40, actionnaires et banques-assurances privées avec l’argument du
plus de productivité, facteur d’emplois (mais quels emplois
durables et à quels prix?). Qu’ont gagné le monde du travail, les
ouvriers, les artisans, les employés, les agents des services
publics, les retraités, les….Rien à part le refrain récurrent
de : « il faut faire des efforts, ça ira mieux demain »
ce qui veut dire mieux, juste quelques semaines avant les prochaines
élections, histoire de faire croire que l’embellie arrive et qu’
« il faut nous soutenir encore pour que cela continue ».
Eternel refrain, éternel scénario et... lassant au bout d’un
moment.
Ceci
dit, peu importe comment on tourne et retourne les candidatures
actuelles, le scénario-type probable est un deuxième tour entre Le
Pen (« au-dessus des lois ») et un des prétendants :
Macron, Fillon, Hamon...* Dans ce
cas de figure, l’appel à la peur (vote contre) et /ou au vote
utile feront à nouveau l’affaire et ce sera reparti pour un
nouveau tour de manège pour cinq ans...Macron c’est l’État géré
comme une entreprise et une banque, Fillon (« peu importe la
loi et la morale ») c’est du Sarkozysme connu avec une
proximité idéologique entre plus forte avec le FN, Hamon c’est
les belles paroles et la soit-disante difficulté à les traduire
dans les faits, les lois, les choix et donc au final de rentrer dans
le moule libéral (et social ?) du PS actuel.
Il
faut donc interroger le grand silence actuel sur la fin du feuilleton
électoral. D’accord, on est dans la Présidentielle, mais elle est
intimement liée à l’élection Législative. Toujours est-il que
pour tout président, pour gouverner, il faut quand même au final un
semblant de majorité parlementaire sinon il y a blocage et décisions
anti-démocratiques à coups de 49-3 permanent (imposition forcée
sans débat, souvenez-vous de la Loi Travail Valls-Macron-El Khomri).
Et
pour obtenir une majorité « parlementaire », cela se
joue un mois après la Présidentielle lors des élections
Législatives des 11 et 18 juin.
Et
là, nous ne sommes plus dans le choix de l’homme-femme
providentielle qui va sauver, redresser, redonner la grandeur,
réformer, changer, etc...Nous serons dans nos territoires, dans le
local, sur le terrain de la vraie vie en dehors des palais
dorés de la République, confrontés à des vraies personnes et
qu’il va falloir convaincre. Tous ces députés sortants vont
devoir expliciter leurs revirements, les errements de leur chef de
parti, faire le bilan de ce qu’ils ont fait vraiment ou pas,
radoter leurs promesses et qu’il faut leur faire confiance,
etc...Enfin, vous connaissez tout cela. Pour le FN, ça n’a jamais
posé de problème, puisque leurs candidat-e-s sont souvent des
illustres inconnu-e-s, car de toute façon, pour ce parti, on vote FN
l’étiquette, peu importe la personne.
Mais
pour les autres ? Macron jouera sur la nouveauté (société
« civile », hommes d’affaires, financiers, professions
libérales) ; Les Républicains invoqueront la continuité
gaulliste, conservatrice et garante des valeurs traditionnelles (et
chrétiennes!) ; le PS qu’il faut construire une opposition
pour contrecarrer les plans de l’adversaire. Que du convenu…
MAIS
c’est là que pour les abstentionnistes conscients de la
Présidentielle, il y a une mobilisation à exercer : convaincre
qu’il faut donner un groupe parlementaire important à « France
Insoumise » qui sera la seule force d’opposition plausible et
prospective d’un autre avenir, construite sous forme d’un
mouvement avec des propositions élaborées collectivement
depuis des mois. On attendra de ces candidat-e-s qu’ils-elles
défendent les options du programme énoncé par leur représentant à
la Présidentielle. Cela créera un contre-pouvoir important et
permettra au débat démocratique de se poursuivre sans être muselé.
Et
puis, et cela est loin d’être négligeable sinon central, les
candidat-e-s PS seront mis-es devant leurs responsabilités
localement pris-es à partie et sommé-e-s de se justifier par
rapport à la politique menée depuis cinq ans : les lois votées
sur le travail, sur l’aide aux grosses entreprises robotisées, sur
l’agriculture intensive au détriment des paysans, sur la
privatisation progressive de la santé, sur la déliquescence des
services publics, sur les reculs par rapport à la finance, le
nucléaire, la taxe carbone, la précarité, l’austérité comme
idéologie politique européenne, etc...Pourquoi voter pour ces
représentant-e-s dont on sait pertinemment comment ils-elles se sont
aplati-e-s lâchement pendant des années ?
Peu
importe presque qui sera président, puisque si l’Assemblée
Nationale ne dégage pas de majorité, alors ce sera ingouvernable
dans l’état, avec une vraie opposition qui s’exprime.
Soit
il y a dissolution et nouvelles élections, soit on va vers un type
de dictature (à
coups de 49-3). Cela ne créera sûrement pas les conditions d’un
pays apaisé.
Oui,
il faut se poser la question de l’après-Présidentielle pour ne
pas se focaliser uniquement sur ce leurre de l’élection de notre
roi national qui concentre tous les pouvoirs. Les contextes ont
changé, les institutions doivent évoluer, les politiciens et partis
actuels sont complètement décrédibilisés, la demande de
démocratie directe est forte, les gens veulent redevenir maître de
leur vie et avoir un pouvoir sur la façon de la mener localement là
où ils-elles vivent. Les changements sont déjà en place et
s’accentuent de plus en plus, concernant aussi bien la façon de se
nourrir et où, de se déplacer, de se loger, de se soigner,
d’établir des relations d’aides et non-marchands, de se cultiver
et d’utiliser son temps libre à des activités émancipatrices, de
…
Alors,
boycott conscient à la Présidentielle et vote massif aux
Législatives pour la création d’un groupe parlementaire
d’opposition et de proposition au Parlement.
Cela
mérite débat, non ? Car localement, le ménage sera fait ou
peut fortement se faire...La mémoire ne s’efface pas aussi
facilement : les traces sont aujourd’hui multiples et plus
maîtrisables du tout. On peut clamer haut et fort, fake news
et mensonges ; les images, les enregistrements sont là et on ne
peut pas continuer à refuser, à nier les évidences. Chacun-e est
mis-e devant SES responsabilités et ses capacités d’action,
chacun-e à son niveau. On ne pourra plus dire : « je ne
savais pas »…
L’avenir
n’est pas écrit.
(et
ces derniers temps, on l’a bien vu!)
dessin de Pat Thiebaut www.lagitedulocal.com
*
Je
ne cite pas là intentionnellement Mélenchon car un « scénario »
où Mélenchon serait parmi les deux ayant le plus grand score au
premier tour mérite un développement, que je ferai probablement
dans une prochaine chronique.
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