lundi 21 décembre 2020

LE SILENCE DES PANTOUFLES

 « Mais pourquoi tu écris tout cela, pourquoi tu exprimes tes idées publiquement, tu te fais plein d’ennemis, qu’est-ce que ça t’apporte ? »
Oui, j’entends bien ces remarques et c’est vrai qu’on dit aussi « pour vivre heureux, vivons cachés » !


MAIS j’ai toujours 20 ans (plus 40 d’expériences), je suis inscrit dans l’histoire de ma génération, celle de l’immédiat après-guerre, celle de 68 , de 81, du passage au XXIème siècle et au libéralisme débridé, oppressant. Comment oublier les récits de nos parents qui ont vécu en Alsace la domination nazi, l’incorporation de force, les « malgré-nous », les collabos et celles-ceux qui avaient les moyens de fuir dans le Périgord ou ailleurs en Dordogne, la reconstruction, De Gaulle, les services publics, la Sécu,  le plein-emploi et la première crise du pétrole, la révolution culturelle et sexuelle, l’espoir de la gauche et les retombées amères, le capitalo-libéralisme, l’individualisme égoîste, les castes dominantes, la crise climatique,...le Covid et les dégâts des élevages industriels démesurés,…

Dans ce monde manufacturé sur ce côté de la planète, on perd nos savoirs-faire, on perd nos valeurs humaines, on perd notre identité, on perd nos libertés et même nos capacités à réfléchir par nous-mêmes...Quand même cela interpelle, et les questions sont multiples si on se projette un peu en avant. Elles se traduisent parfois dans la rue sous forme de manifestations de masse, sont réduites au silence et réprimées violemment à coups d’armes de guerre.
L’expression verbale ou écrite est encore possible, quoique de plus en plus certains mots-clés sont censurés par l’intelligence artificielle des observateurs de nos communications.
Et pourtant partager, échanger, confronter des idées, débattre est vital pour faire avancer, pour créer du mouvement, imaginer d’autres voies...Alors pourquoi s’auto-censurer ?

« Tu te fais plein d’ennemis, qu’est-ce que ça t’apporte ? »
D’abord, l’échange, le partage, car s’imaginer qu’on peut s’en sortir ou vivre seul est un leurre contre nature, contre la nature humaine qui est fragile et sociale.. Rien dans la nature ne vit pour lui-même : les rivières ne boivent pas leur eau, les arbres ne mangent pas leurs fruits. On s’enrichit les uns des autres, on se nourrit des expériences des autres, on s’équilibre par l’amour partagé.
Et puis quand on sent une oppression, un danger général, des catastrophes à venir, il faut réagir, alerter, se souvenir, s’entourer de partenaires, non pas se terrer dans son abri précaire. Et informer, parler, éveiller les consciences, faire réfléchir, …
« Quand ils sont venus chercher une personne X à l’étage, je n’ai rien dit, je n’étais pas X. Quand ils sont venus chercher mon voisin de palier Y, je n’ai rien dit, je n’étais pas Y. Quand ils ont frappés à ma porte pour me chercher, il n’y avait plus personne pour me défendre... » Vous connaissez cette histoire-fable souvent racontée pour faire comprendre nos dépendances et notre force collective.
Alors oui, habité par toute cette mémoire de vie, rempli d’expériences diverses, riche de mes lectures et d’échanges avec d’autres personnes, j’exprime ma façon de voir les choses, mon point de vue, sans filtres, afin de poser des questions, de dessiner des pistes, d’envisager des hypothèses, de suggérer des actions, de créer du débat. Si cela choque, si cela crée des oppositions violentes ou/et intellectuelles, cela appartient à celui ou celle qui juge, qui réagit ainsi, pas à moi. Son problème est donc son niveau de conscience et de confiance.

Le paraître est le paravent de l’être, c’est un écran entre soi et les autres. La différence entre les personnes qui se réalisent et celles qui n’évoluent pas dépend de leur degré d’audace. « Oser, c’est perdre l’équilibre un instant. Ne pas oser, c’est se perdre soi-même. » (Kierkegaard). Dire non à quelque chose ou à quelqu’un, c’est se dire oui à soi-même.


Franchement, les animosités qui peuvent prendre corps quand on dit ou fait des choses qui peuvent déplaire ne sont pas grand risque en 2020 sur cette partie du globe quand on pense à ces gamins de 17-20 ans qui ont pris le maquis contre les massacres des guerres, certains de nos parents !
S’imaginer qu’on sera tranquille en étant muet, en n’exprimant pas ce que l’on pense vraiment par crainte de déplaire, ce n’est que retarder le moment où on se retrouvera devant un mur qu’on aura construit soi-même et plus personne pour aider à le franchir.

Moi, j’aime les communautés où règne les cris de joie, les rires, les débats animés qui ne remettent pas en cause l’amour des uns envers les autres lié par la défense des biens communs, l’indépendance par l’apport collectif des savoirs-faire individuels, le respect et l’humanité indispensables à la survie de notre espèce fragile, …


Alors oui, je continuerai à exprimer ce que je pense, je ne m’inquiète pas du qu’en dira-t-on, je suis juste fidèle à ce que je suis, honnêtement et sans paravent...

Etre humain tout simplement.  

De passage et avec humilité, les pieds dans la terre, les yeux vers les étoiles…

 

 



...et 

"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible"                               

(Antoine de St-Exupéry)

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