Ils
étaient là en face l’un de l’autre. Elle lui parlait, il la
regardait dans les yeux, mais elle ne quittait pas du regard son
Iphone (ou son Apple Watch).
Dans
la cafétéria du lycée, on avait beau regarder de tous les côtés,
les jeunes étaient assis ou debout et chaque main était prolongée
par le téléphone portable et un doigt tapait des lettres en
raccourcis SMS ou autre novlangue.
J’étais
assis dans la salle d’attente de mon médecin pour renouveler
l’ordonnance de mon traitement. Personnes âgées qui toussent,
adolescents impatients qui piétinent. Tous ont leur Iphone à la
main et soit écrivent des SMS soit jouent à des jeux si ce n’est
pas une conversation téléphonique à voix haute dont tout le monde
profite et sans intérêt en plus. Je suis le seul avec un livre à
la main que j’ai emporté dans mon sac et même si quelqu’un de
temps en temps se sert dans la pile de revues « people »
sur la table basse, ils/elles ne font qu’y jeter un rapide coup
d’oeil superficiel avant de la reposer très vite sur la pile.
Chacun
de son côté sur son ordinateur portable cherchait sur des sites de
rencontre de quoi mettre un peu de piment dans la vie terne du
quotidien, maintenant que les enfants étaient grands.
Dans
le même quartier, un peu plus loin, une jeune fille, un jeune homme,
seul-e devant l’écran se faisait embarquer par la propagande
d’un-e- inconnu-e avec la promesse d’un monde meilleur si on se
battait pour « une cause ». A l’étage, les parents
font leurs commandes sur le site « aux livraisons gratuites
sous 24 heures ».
« Allo ?
Concernant votre demande d’emploi à ce poste, vous avez le profil
adéquate, les compétences et vos prétentions salariales sont dans
les normes. Nous avons retenu votre candidature . Cependant, nos
services informatiques ont fait remonter jusqu’à
moi, des pages qui apparaissent sur votre compte Facebook avec des
photos, disons, ...préoccupantes. Nous ne pourrons donc pas donner
suite car notre entreprise est réputée sérieuse et
nous ne pouvons pas prendre le risque que des commanditaires tombent
sur ces photos de notre personnel qualifié. Nous demandons à nos
employés d’être clean tout en ayant droit à leur vie privée,
mais pas exposée publiquement ainsi sur les réseaux sociaux.
Désolé. »
« Mademoiselle,
je suis au regret de devoir vous annoncer que votre contrat avec
notre entreprise a été rompu. On nous a fait parvenir
une copie d’un de vos SMS où vous insultiez notre patron et même
si cela est du domaine privé, il est arrivé jusqu’à nous et nous
ne pouvons pas accepter ce genre d’attitude et de propos de nos
employés. Vous pouvez disposer, prendre vos affaires et quitter
l’entreprise immédiatement. »
Des
titres de journaux (à répétition) : « Suicide d’un
très jeune garçon, d’une très jeune fille, suite à
un harcèlement et des propos dégradants ayant circulé sur lui, sur
elle, sur les réseaux sociaux. »
Nous sommes en 2018, c’est le quotidien de tout un chacun et il n’y
a plus personne pour raisonner tout ce petit monde connecté que les
dangers existent, que nous sommes déjà sous addiction et que ce
n’est que le début, la face visible de ce glissement progressif,
mais très rapide, vers cet autre monde dématérialisé de
l’immédiateté, de l’éphémère et de notre ...inutilité
prochaine.
Né
au siècle dernier, j’ai vu les soubresauts, puis l’accélération
de la mise en œuvre de tous ces outils numériques qui sont
aujourd’hui omniprésents dans notre vie quotidienne et
professionnelle.
Les
personnes nées après 2000 ne peuvent même plus imaginer le monde
d’hier et nous regardent parfois, malhabiles avec ces nouveaux
objets-outils, comme si nous étions les derniers dinosaures...
L’histoire
de l’Homme (c’est une façon simplifiée pour dire l’homme/la
femme) de Néanderthal à Sapiens est riche d’enseignements.
Nous
avons globalement vaincu la famine, les épidémies, les guerres et
les humains se sont structurés en sociétés, en nations avec des
croyances religieuses diverses.
Les
dualités constantes, entre la fiction (l’histoire racontée) et la
réalité (quand on souffre physiquement) d’une part et puis, d’un
autre côté, la religion (facteur d’ordre, mais aussi totalitaire)
et la science (qui montre des faits, l’évolution), ont toujours
existé.
Jusque
là, les dirigeants de ce monde pouvaient se prévaloir de ces
dualités et en tirer tous les profits : la religion est une
création de l’homme, un outil de préservation de l’ordre social
et d’organisation de la coopération à grande échelle ; le
pouvoir se nourrit de l’alliance entre le progrès scientifique et
la croissance économique.
Préserver
l’égalité sociale, assurer l’harmonie écologique sont des
freins à la croissance économique qui fonctionne sur le « toujours
plus » et tout est fait pour les minimiser, voire les occulter.
Mais cette croissance est basée sur les ressources et elles ne sont
pas inépuisables.
Il
faut donc bien trouver de nouvelles sources d’énergie, des
matériaux nouveaux et emmagasiner plus de connaissances :
nanotechnologies, génie génétique, intelligence artificielle…
En
1850, 90 % des humains étaient paysans. Puis vinrent la machine
à vapeur, le chemin de fer, le télégraphe,
l’électricité...Marx-Lenine prônent le salut par la technique
et l’économie dans le socialisme.
En
1970, 130 pays sont indépendants à travers le monde, mais à peine
une trentaine sont des démocraties (essentiellement au nord-ouest de
l’Europe).Les Etats-Unis se veulent le leader du monde libre, mais
avec des alliés encombrants (Khaled D’Arabie, Hassan II du Maroc,
le Shah d’Iran, les colonels grecs, Pinochet au Chili, …) et
surtout, les armes nucléaires et les supermarchés ! Plein de
pays « démocratiques » se rattachent alors au
capitalisme (libéralisme) où nous ne sommes plus considérés que
comme des clients et des électeurs.
Ce
libéralisme met en avant la liberté plus que l’égalité et
l’individu avant le collectif.
Mais
que reste-t-il de libertés dans ce monde-là ? La faculté
d’agir en fonction de ses désirs ? Mais choisit-on encore ses
désirs librement ? L’homme est manipulable à souhait,
conditionné…
Nous
sommes déjà inondés d’appareils, d’outils et de structures,
utiles peut-être, mais qui ne laissent plus aucune place au
« libre-arbitre » des individus : drones, robots,
ordinateurs, scanner irmf, imprimantes 3D, casques connectés au
cerveau (stimulateurs transcraniens), enseignants numériques adaptés
aux individus, tomographie axiale, diagnostics médicaux, capteurs
pour diabétiques, reconnaissance de formes, ….
Le
marché du travail recouvre les domaines de l’agriculture, de
l’industrie, des services.
Mais
que deviendra ce marché du travail quand l’intelligence
artificielle fera les tâches cognitives ? Quel sera l’impact
politique d’une nouvelle classe nombreuse de gens économiquement
inutiles ? Que deviendra la société avec des écarts sans
précédent entre riches (propriétaires des algorithmes supérieurs)
et pauvres ?
Plein
de métiers vont disparaître très vite. L’être humain a deux
capacités : physiques et cognitives qui peuvent être
remplacées et seront remplacées par l’automation, la
robotisation, les algorithmes. Des exemples ?
Uber
gère des millions de chauffeurs avec très peu d’humains.
Deep
Blue (ordinateur IBM) remporte des parties d’échecs contre le
champion Kasparov dès 1996.
En
mars 2016, Alpha Go (Google) bat le meilleur joueur de go, Lee Sedol.
Depuis
2014, Google et Tesla développent des véhicules sans conducteurs.
Google
Baseline Study a commencé à récolter une base de données sur la
santé grâce à des capteurs intégrés dans des vêtements,
bracelets, chaussures, lunettes (de marque Google Fit) alors que la
société 23andMe développe la commercialisation des tests ADN, tout
en créant une base de données génétiques.
Novartis,
Google, Pixie, Microsoft sont déjà depuis des années dans ce monde
du Big Data, récolte des données personnelles dans votre vie
privée.
Microsoft
« Cortana » est une « assistante personnelle »
intégrée dans Windows et qui accède à tout le disque dur (mails,
dossiers, images, …). Google Now et Siri d’Apple font
pareillement. Kindle, tablette de lecture, intègre la reconnaissance
faciale pendant la lecture et envoie les informations à Amazon qui
vous fait des propositions de livres adaptés.
La
médecine s’occupe plus de l’optimisation des sujets sains plutôt
que de guérison des malades...et recherche les technologies visant
l’immortalité.
EMI (David Cope) développe la composition musicale par algorithmes. Un morceau né d'une collaboration entre Stromae et les algorithmes sort actuellement sur le marché musical.
EMI (David Cope) développe la composition musicale par algorithmes. Un morceau né d'une collaboration entre Stromae et les algorithmes sort actuellement sur le marché musical.
Nous
glissons vers l’internet-de-tous-les-objets (Internet Of All
Things) où tout doit être connecté (cerveau, maison, habits,
voiture, ….) avec l’Intelligence Artificielle-les algorithmes qui
gère l’ensemble.
Les
structures politiques traitent les données, analysent l’information,
mais les révolutions technologiques distancent les processus
politiques qui n’ont plus le contrôle des situations. Le
gouvernement n’est plus qu’une simple administration qui gère.
Le
marché boursier qui dirige l’économie mondiale est le plus gros
centre actuel de traitement de données.
L’islamisme
radical, le christianisme fondamentaliste, le judaïsme messianique,
le revivalisme hindou qui perdent le contact avec les réalités
technologiques se privent de la capacité de comprendre les questions
qui se posent (ils ont aussi rejeté Darwin) et vont être écartées.
Que
nous reste-t-il encore ?
Nos
données personnelles sont encore pour l’instant la ressource la
plus précieuse que la plupart des humains puissent offrir. Et puis,
la conscience, les expériences subjectives, les sensations, les
émotions, les pensées, l’imagination (hors de nos
conditionnements), le sentiment d’amour sont nos derniers recours
face à l’intelligence artificielle.
Dans
ce nouveau monde où tout doit être immédiat, où « on
prend et on jette », quelle place a encore la patience, les
sentiments, la conscience, les émotions, l’imagination ?
Ces
valeurs seront-elles encore présentes, vivantes dans quelques
années ?
Quand
on observe la jeune génération d’aujourd’hui, on peut presque
faire une lecture de l’histoire de l’avenir.
Il y a cependant l'impact environnemental énorme qui découle de cette évolution technologique.
Le marché financier et des matières est passif, aveugle devant la menace du réchauffement climatique et des dangers potentiels de l’intelligence artificielle. La "croissance verte" mise en avant par nos gouvernements de technocrates et financiers et qu'on nous présente comme "décarbonée" est un leurre, une usurpation. Dans toute technologie numérique, ainsi que les voitures électriques, il y a pas mal de "métaux rares" indispensables dans les composants (batteries entre autres). Or l'extraction de ceux-ci se fait par l'exploitation minière très polluante sur des grands territoires. Trop impactant dans certains pays européens (et trop visibles) ces mines ont été abandonnées en France par exemple et aujourd'hui, tous ces métaux rares viennent des mines de Chine (Mongolie) et d'Afrique. La pollution (extraction, durée) générée est bien supérieure au ...diesel. Ce ne sont donc pas et, loin de là, des énergies propres et renouvelables.
Il n'y a que peu de solutions ou pistes actuellement pour contrecarrer ou minimiser ces "effets collatéraux" : revenir à plus de sobriété, recycler bien plus les métaux rares et se battre contre l'obsolescence programmée.
Il y a cependant l'impact environnemental énorme qui découle de cette évolution technologique.
Le marché financier et des matières est passif, aveugle devant la menace du réchauffement climatique et des dangers potentiels de l’intelligence artificielle. La "croissance verte" mise en avant par nos gouvernements de technocrates et financiers et qu'on nous présente comme "décarbonée" est un leurre, une usurpation. Dans toute technologie numérique, ainsi que les voitures électriques, il y a pas mal de "métaux rares" indispensables dans les composants (batteries entre autres). Or l'extraction de ceux-ci se fait par l'exploitation minière très polluante sur des grands territoires. Trop impactant dans certains pays européens (et trop visibles) ces mines ont été abandonnées en France par exemple et aujourd'hui, tous ces métaux rares viennent des mines de Chine (Mongolie) et d'Afrique. La pollution (extraction, durée) générée est bien supérieure au ...diesel. Ce ne sont donc pas et, loin de là, des énergies propres et renouvelables.
Il n'y a que peu de solutions ou pistes actuellement pour contrecarrer ou minimiser ces "effets collatéraux" : revenir à plus de sobriété, recycler bien plus les métaux rares et se battre contre l'obsolescence programmée.
Nous
ne sommes qu’au début d’un changement de civilisation, il vaut
mieux y réfléchir, agir, résister, avant qu’on ne devienne
inutile !
Nous
sommes venus des chimpanzés « augmentés », demain
serons-nous des fourmis surdimensionnées ?
…………………………………………….EN
SAVOIR PLUS……………………………………...
Les sources viennent principalement du livre :
« HOMO DEUS » de Yuval Noah Harari
(éditions Albin Michel-2017)
Je ne peux aussi que vivement vous conseiller aussi
deux films-DVD qui vous
éclairciront encore plus :
SNOWDEN de Oliver Stone (2016)
HER de Spike Jonze (2013)
(disponibles à la Médiathèque Numérique)
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