lundi 9 décembre 2019

JE SUIS RETRAITE….et ?


Venant d’une famille nombreuse ouvrière, né juste après-guerre, il y avait encore dans cette France en ruines et en reconstruction, l’ascenseur social. C’est ainsi qu’à 15 ans, j’ai co-signé mon contrat de travail, un engagement d’enseigner au moins dix ans en France puisque je « rentrais » à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Strasbourg, historiquement la première de France en 1810 sous Napoléon Bonaparte ! Et après trois ans d’internat, le baccalauréat et deux années de formation professionnelle en externat, pris en charge par l’État, on commençait donc à travailler dans une classe à vingt ans. Fonctionnaire - instituteur de l’Education Nationale pour toute une vie !
J’ai demandé mes droits à la retraite à 55 ans comme c’était spécifié dans le contrat de travail. Mais pour une retraite pleine, bien que venant de cette génération du « plein emploi », les calculs avaient déjà changé et j’aurais du encore travailler deux-trois ans pour avoir droit au taux plein. Mais j’étais épuisé, au bout du rouleau, nerveusement plus capable d’y aller encore...Alors, j’ai « pris » ce qu’on me « donnait » et j’ai arrêté. Comme souvent quand on a poussé le bouchon trop loin, ça craque. Et le début de ma retraite fut ponctuée par des ennuis de santé grave.

Pourquoi suis-je dans les cortèges des manifestants contre la réforme des retraites puisque je ne suis plus concerné ?
Instituteur à mon « époque », c’en était fini déjà de la considération sociale (maire, curé/pasteur, instituteur), un ouvrier-spécialisé gagnait plus que le fonctionnaire de base que j’étais. Ce n’est que quand la première crise pétrolière est passée par là, que le chômage a commencé à frapper durement (déjà la dépendance aux énergies fossiles) et que petit à petit, avoir un métier garanti à vie devenait une plus-value (mais sans augmentation salariale car pour un instituteur-trice, les augmentations sont aléatoires et linéaires selon les décisions budgétaires gouvernementales et l’ancienneté par un système d’inspection/notation). Quand ça suivait l’inflation, on ne perdait rien, mais les dernières années, il n’y a même plus cela...Ma pension est donc un peu au-dessus de 1500 € et on est considéré aujourd’hui comme des privilégiés ! J’ai toujours pensé que les fonctionnaires devaient être des ambassadeurs-exemples et que l’État se devait de montrer le chemin en faisant des statuts des fonctionnaires un objectif minima pour le secteur privé.
Que nenni ! Ce n’était qu’une vue de mon esprit car la réalité des chiffres et des faits étaient loin de corroborer cet ...idéal républicain d’émancipation.
Les pensions stagnent depuis des années avec une inflation de près de 1,5 % par an, en plus M. Macron a rajouté une deuxième CSG prélevée sur les retraites (- 500€/an), les impôts augmentent, les taxes (habitation/foncière) aussi, tout comme les prélèvements obligatoires (électricité, téléphone, gaz, mazout, eau, nourriture, déplacements, …), sans compter qu’on aide aussi au mieux nos enfants et petits-enfants, car pour eux, c’est bien plus difficile par les temps qui courent. Je ne me plains pas, loin de là, mais je pense à des connaissances qui ont une pension moindre, à tous ces gens qui galèrent et où la misère atteint leur porte, qui sont entourés par des familles en précarité, incertitudes, chômage...Et même celles et ceux qui travaillent ne s’en sortent plus, s’endettent et s’écroulent.

C’est quoi ce pays riche où les gens vivent ainsi ?
On a ouvert les yeux, on a fait fonctionner nos cerveaux, on a lu, écouté, discuté, échangé, comparé, on commence à comprendre où se situent les problèmes, les points de rupture, les déséquilibres, les injustices fiscales, sociales, les incidences environnementales, les flux migratoires de l’ultra-libéralisme qui exploite les sous-sols, …., les objectifs de cette économie dont on nous rend (entièrement?) dépendant, ces objets connectés pour nous maintenir sous surveillance et à portée de propagande incessante, ...un monde, une civilisation mondialisée où la saveur de la vie est devenue absente, où notre être primitif d’humain est occulté, a disparu…
D’avoir croisé, écouté les résistants d’hier (qui avaient 17-20 ans contre un oppresseur fortement armé et envahisseur), d’être fils de « Malgré-Nous », de côtoyer les activistes d’aujourd’hui, je sais que nous devons être des résistants contre ces ennemis aujourd’hui clairement identifiés.
Quand on sait de quel côté de la barrière on est, on ne peut plus se tromper.

Il y a urgence environnementale par leurs destructions, il y a urgence sociale par leur précarisation.
Les résistant-e-s d’hier avaient peur aussi, mais les solidarités les ont préservés de la lâcheté et les réseaux leur ont permis de s’organiser.


rassemblement chaque année 
sur le plateau des Glières-Thonon 
à la pentecôte



RIEN N’EST ACQUIS : luttes et résistance
Les droits, les acquis l’ont toujours été par des mobilisations en nombre, des grèves longues, des négociations radicales, des confrontations, …. Sans rapport de force, on n’obtient rien et s’il est ignoré, ça dégénère…
Un des rapports de force est la représentation syndicale. Dans quels pays peut-on dire que les salariés sont plus écoutés qu’ailleurs sans rentrer dans des conflits sociaux durs ? Là où le taux de syndicalisation est élevé ?

Comparons quelques pays sur ce critère : Espagne 19 %, Portugal 19 %, Allemagne 18 %, Autriche 28 %, Irlande 31 %, Grande-Bretagne 28 %, 
Belgique 60 %, Norvège 53 %, Danemark 67 %, Suède 70 %, Finlande 74 % 
et la France...8 %.
On peut penser aussi que ces taux sont élevés dans les pays où la cotisation syndicale est prélevée directement sur le salaire. C’est vrai pour les pays scandinaves, (comme pour le Canada et encore aux USA), mais pas pour la Belgique, l’Autriche, ...Et puis, en France depuis le 1er janvier 2015, une cotisation de 0,016 % du salaire brut est prélevée sur la fiche de paie et reversée aux 5 syndicats de salariés (CFDT, CGT, CGC, FO, CFTC) et aux 3 syndicats d’employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) ce qui représente quand même 400 M €/an malgré le taux faible de 0,01 % !
En Europe du Nord, les cotisations représentent 80 % des ressources des syndicats. En France, elles ne représentent qu’environ 30 %. Les syndicats sont donc encore aujourd’hui dépendants d’une certain façon du financement public et, pour s’en libérer, il faudrait plus de syndiqués cotisants. Depuis la loi de 2008, les syndicats doivent publier leurs comptes annuellement et certifiés depuis 2011. L’État – argent public – verse un financement aux syndicats afin qu’ils assurent la formation aux Prud’hommes et la formation syndicale de ses permanents/cadres (qui leur coûte environ 33 M €) !



RAPPORTS DE FORCE : le nombre
On peut dès lors se poser la question aussi, à partir du moment où une cotisation syndicale est prélevée sur ma fiche de paie, pourquoi n’y a-t-il que 8 % de salarié-e-s syndiqué-e-s en France ?
Si le taux était aussi important que dans les pays du Nord, le rapport de force serait différent et les négociations plus « équilibrées » !

Dans l’actuel conflit social très grave, la question de la réforme imposée par le gouvernement de M. Macron, met ce rapport de force en question. C’est la convergence des luttes qui commence à faire nombre. Et surtout la persévérance et la force organisée (et syndicale) de la SNCF-RATP qui font pression. Si les enseignant-e-s suivaient, cela ajouterait un poids, une force supplémentaire déséquilibrante.
Cela peut se jouer dans les tous prochains jours..

La retraite par points
Une arnaque du genre « actions en bourse » présentée comme juste, équitable, avantageuse pour tous...alors que la valeur du point sera fluctuante… Mais les prémisses sont déjà là. Les trimestres crédités ne sont déjà plus décomptés de date à date, mais à partir des cotisations prélevées sur votre salaire (3 trimestres = 300 points disons). Et on parle déjà de points ARRCO et points AGIRC.
Donc, il y a urgence à résister, à couper toute velléité de poursuivre la mise en place de ce système puisque le ver est déjà dans le fruit…

Si le SMIC était à 2000 € et la retraite garantie à 1500 € serait-ce un scandale, alors qu’on nous a IMPOSE le passage à l’Euro avec sa perte de pouvoir d’achat conséquente, une augmentation très sensible de tous les prix. Ce serait donc impossible, indécent, alors que des milliards sont détournés pour échapper à l’impôt et ce n’est sûrement pas du fait des « petites gens ». Dans un pays riche, le ruissellement n’est pas ce qui est attendu, mais des berges tranquilles où chacun-e peut s’épanouir, s’émanciper, vivre, vivre tout simplement. 

« Nous ne sommes pas du personnel, nous sommes des gens. »



dessin de VEESSE   www.hebdi.com
le magazine satirique indépendant alsacien




L’avenir n’est pas écrit.

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