Venant d’une
famille nombreuse ouvrière, né juste après-guerre, il y avait
encore dans cette France en ruines et en reconstruction, l’ascenseur
social. C’est ainsi qu’à 15 ans, j’ai co-signé mon contrat de
travail, un engagement d’enseigner au moins dix ans en France
puisque je « rentrais » à l’Ecole Normale
d’Instituteurs de Strasbourg, historiquement la première de France
en 1810 sous Napoléon Bonaparte ! Et après trois ans
d’internat, le baccalauréat et deux années de formation
professionnelle en externat, pris en charge par l’État, on
commençait donc à travailler dans une classe à vingt ans.
Fonctionnaire - instituteur de l’Education Nationale pour toute une
vie !
J’ai demandé mes
droits à la retraite à 55 ans comme c’était spécifié dans le
contrat de travail. Mais pour une retraite pleine, bien que venant de
cette génération du « plein emploi », les calculs
avaient déjà changé et j’aurais du encore travailler deux-trois
ans pour avoir droit au taux plein. Mais j’étais épuisé, au bout
du rouleau, nerveusement plus capable d’y aller encore...Alors,
j’ai « pris » ce qu’on me « donnait » et
j’ai arrêté. Comme souvent quand on a poussé le bouchon trop
loin, ça craque. Et le début de ma retraite fut ponctuée par des
ennuis de santé grave.
Pourquoi
suis-je dans les cortèges des manifestants contre la réforme des
retraites puisque je ne suis plus concerné ?
Instituteur à mon
« époque », c’en était fini déjà de la considération
sociale (maire, curé/pasteur, instituteur), un ouvrier-spécialisé
gagnait plus que le fonctionnaire de base que j’étais. Ce n’est
que quand la première crise pétrolière est passée par là, que le
chômage a commencé à frapper durement (déjà la dépendance aux
énergies fossiles) et que petit à petit, avoir un métier garanti à
vie devenait une plus-value (mais sans augmentation salariale car
pour un instituteur-trice, les augmentations sont aléatoires et
linéaires selon les décisions budgétaires gouvernementales et
l’ancienneté par un système d’inspection/notation). Quand ça
suivait l’inflation, on ne perdait rien, mais les dernières
années, il n’y a même plus cela...Ma pension est donc un peu
au-dessus de 1500 € et on est considéré aujourd’hui comme des
privilégiés ! J’ai toujours pensé que les fonctionnaires
devaient être des ambassadeurs-exemples et que l’État se devait
de montrer le chemin en faisant des statuts des fonctionnaires un
objectif minima pour le secteur privé.
Que nenni ! Ce
n’était qu’une vue de mon esprit car la réalité des chiffres
et des faits étaient loin de corroborer cet ...idéal républicain
d’émancipation.
Les pensions
stagnent depuis des années avec une inflation de près de 1,5 %
par an, en plus M. Macron a rajouté une deuxième CSG prélevée sur
les retraites (- 500€/an), les impôts augmentent, les taxes
(habitation/foncière) aussi, tout comme les prélèvements
obligatoires (électricité, téléphone, gaz, mazout, eau,
nourriture, déplacements, …), sans compter qu’on aide aussi au
mieux nos enfants et petits-enfants, car pour eux, c’est bien plus
difficile par les temps qui courent. Je ne me plains pas, loin de là,
mais je pense à des connaissances qui ont une pension moindre, à
tous ces gens qui galèrent et où la misère atteint leur porte, qui
sont entourés par des familles en précarité, incertitudes,
chômage...Et même celles et ceux qui travaillent ne s’en sortent
plus, s’endettent et s’écroulent.
C’est quoi ce
pays riche où les gens vivent ainsi ?
On a ouvert les
yeux, on a fait fonctionner nos cerveaux, on a lu, écouté, discuté,
échangé, comparé, on commence à comprendre où se situent les
problèmes, les points de rupture, les déséquilibres, les
injustices fiscales, sociales, les incidences environnementales, les
flux migratoires de l’ultra-libéralisme qui exploite les
sous-sols, …., les objectifs de cette économie dont on nous rend
(entièrement?) dépendant, ces objets connectés pour nous maintenir
sous surveillance et à portée de propagande incessante, ...un
monde, une civilisation mondialisée où la saveur de la vie est
devenue absente, où notre être primitif d’humain est occulté, a
disparu…
D’avoir croisé,
écouté les résistants d’hier (qui avaient 17-20 ans contre un
oppresseur fortement armé et envahisseur), d’être fils de
« Malgré-Nous », de côtoyer les activistes
d’aujourd’hui, je sais que nous devons être des résistants
contre ces ennemis aujourd’hui clairement identifiés.
Quand on sait de
quel côté de la barrière on est, on ne peut plus se tromper.
Il y a urgence
environnementale par leurs destructions, il y a urgence sociale par
leur précarisation.
Les résistant-e-s
d’hier avaient peur aussi, mais les solidarités les ont préservés
de la lâcheté et les réseaux leur ont permis de s’organiser.
rassemblement chaque année
sur le plateau des Glières-Thonon
à la pentecôte
RIEN N’EST
ACQUIS : luttes et résistance
Les droits, les
acquis l’ont toujours été par des mobilisations en nombre, des
grèves longues, des négociations radicales, des confrontations, ….
Sans rapport de force, on n’obtient rien et s’il est ignoré, ça
dégénère…
Un des rapports de
force est la représentation syndicale. Dans quels pays peut-on dire
que les salariés sont plus écoutés qu’ailleurs sans rentrer dans
des conflits sociaux durs ? Là où le taux de syndicalisation
est élevé ?
Comparons quelques
pays sur ce critère : Espagne 19 %, Portugal 19 %,
Allemagne 18 %, Autriche 28 %,
Irlande 31 %, Grande-Bretagne 28 %,
Belgique 60 %,
Norvège 53 %, Danemark 67 %,
Suède 70 %, Finlande 74 %
et la France...8 %.
On peut penser aussi
que ces taux sont élevés dans les pays où la cotisation syndicale
est prélevée directement sur le salaire. C’est vrai pour les pays
scandinaves, (comme pour le Canada et encore aux USA), mais pas pour
la Belgique, l’Autriche, ...Et puis, en France depuis le 1er
janvier 2015, une cotisation de 0,016 % du salaire brut est
prélevée sur la fiche de paie et reversée aux 5 syndicats de
salariés (CFDT, CGT, CGC, FO, CFTC) et aux 3 syndicats d’employeurs
(MEDEF, CGPME, UPA) ce qui représente quand même 400 M €/an
malgré le taux faible de 0,01 % !
En Europe du Nord,
les cotisations représentent 80 % des ressources des syndicats.
En France, elles ne représentent qu’environ 30 %. Les
syndicats sont donc encore aujourd’hui dépendants d’une certain
façon du financement public et, pour s’en libérer, il faudrait
plus de syndiqués cotisants. Depuis la loi de 2008, les syndicats
doivent publier leurs comptes annuellement et certifiés depuis 2011.
L’État – argent public – verse un financement aux syndicats
afin qu’ils assurent la formation aux Prud’hommes et la formation
syndicale de ses permanents/cadres (qui leur coûte environ 33 M
€) !
RAPPORTS DE
FORCE : le nombre
On peut dès lors se
poser la question aussi, à partir du moment où une cotisation
syndicale est prélevée sur ma fiche de paie, pourquoi n’y a-t-il
que 8 % de salarié-e-s syndiqué-e-s en France ?
Si le taux était
aussi important que dans les pays du Nord, le rapport de force serait
différent et les négociations plus « équilibrées » !
Dans l’actuel
conflit social très grave, la question de la réforme imposée par
le gouvernement de M. Macron, met ce rapport de force en question.
C’est la convergence des luttes qui commence à faire nombre. Et
surtout la persévérance et la force organisée (et syndicale) de la
SNCF-RATP qui font pression. Si les enseignant-e-s suivaient, cela
ajouterait un poids, une force supplémentaire déséquilibrante.
Cela peut se jouer
dans les tous prochains jours..
La retraite par
points
Une arnaque du genre
« actions en bourse » présentée comme juste, équitable,
avantageuse pour tous...alors que la valeur du point sera fluctuante…
Mais les prémisses sont déjà là. Les trimestres crédités ne
sont déjà plus décomptés de date à date, mais à partir des
cotisations prélevées sur votre salaire (3 trimestres = 300 points
disons). Et on parle déjà de points ARRCO et points AGIRC.
Donc, il y a urgence
à résister, à couper toute velléité de poursuivre la mise en
place de ce système puisque le ver est déjà dans le fruit…
Si le SMIC était à
2000 € et la retraite garantie à 1500 € serait-ce un scandale,
alors qu’on nous a IMPOSE le passage à l’Euro avec sa perte de
pouvoir d’achat conséquente, une augmentation très sensible de
tous les prix. Ce serait donc impossible, indécent, alors que des
milliards sont détournés pour échapper à l’impôt et ce n’est
sûrement pas du fait des « petites gens ». Dans un pays
riche, le ruissellement n’est pas ce qui est attendu, mais des
berges tranquilles où chacun-e peut s’épanouir, s’émanciper,
vivre, vivre tout simplement.
« Nous ne
sommes pas du personnel, nous sommes des gens. »
dessin de VEESSE www.hebdi.com
le magazine satirique indépendant alsacien
L’avenir n’est
pas écrit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont lus avant publication non pas pour censure ou rejet, mais pour un filtrage concernant insultes, attaques personnelles essentiellement.
Vous pouvez signer vos textes-commentaires pour des réponses personnalisées, des échanges dans le débat.