Je sais, c'est complétement en contradiction et c'est pour cela que ça crée un débat interne en moi que je veux partager aujourd'hui car je ne trouve plus d'arguments pour me mobiliser à respecter, à exercer mon devoir de citoyen d'un pays démocratique, républicain, laïc.
dessin de Phil Umbdenstock (Colmar)
Entendons-nous
bien : je suis un citoyen français comme un autre, je ne suis pas
PLUS ou mieux, je suis comme “tout le monde”. D'accord, je lis
beaucoup, je m'informe, je cherche, curieux de nature, des avis
différents pour parfaire mes réflexions, les confronter à d'autres
façons de “voir les choses”, j'agis à ma mesure localement pour
partager mes connaissances, expériences et savoir-faire et aider où
je peux. J'aime discuter, je ne suis pas insensible au monde qui
m'entoure (et dont je fais partie intégrante), je ne m'enferme pas
essentiellement dans un confort matériel de vie, après quarante ans
d'activités professionnelles, pour jouir tranquillement des années
qui me restent. Je suis attaché viscéralement à des valeurs
humanistes et d'égalité des êtres vivants. Je respecte au mieux
mes devoirs d'individu et de personne sociale et je tiens fortement à
exercer mes droits citoyens, mon droit de vote acquis difficilement
par mes ancêtres. Que ceci soit bien clair pour ne pas biaiser le
débat.
Mais
je m'interroge aussi, comme des milliers sinon des millions d'autres
françaises et français, sur ce que veut dire encore “voter”
aujourd'hui et quel est encore le réel “pouvoir” de mon vote, sa
“valeur”, son “sens”. Est-ce se poser trop de questions que
de s'interroger ?
Du
plaisir au désir
On
était une dizaine autour de cette table garnie de mets délicieux,
“gastronomiques” faits maison, de douceurs liquides. Des
trentaires au soixantenaires, actifs et retraités, d'horizons et
d'activités divers, réunis pour fêter des anniversaires, mais
surtout pour le plaisir de se retrouver, de passer une “bonne”
soirée ensemble. Et ce fut une bien agréable soirée, très
chaleureuse, simple et riche en échanges.
Ma
plus jeune voisine m'interpelait dans la discussion : “...mais
dis-moi alors ce que je peux encore faire puisque le vote”blanc”,
même s'il est comptabilisé, n'est jamais pris en compte et même
pas impacté, puisque quand on dévoile le résultat du vote, on
parle des pourcentages des candidat-e-s et de ...l'abstention, du
taux d'abstention. Jamais du nombre de votes “blancs” ou alors
très furtivement.” Bref, quand on ne trouve plus son compte, quand
on ne sait plus pour qui voter, quand on veut marquer qu'on n'est
plus d'accord avec ce qu'on nous propose, même attaché au droit de
vote et qu'on se déplace pour voter “blanc” , on n'a plus
l'impression que son vote a du sens ou est entendu. On peut aussi
choisir de voter la provocation en donnant SA voix à ce qu'on
n'aurait jamais penser faire ! Ou encore voter “par peur”,
“utile” , pour le moins pire, par discipline “républicaine”,
contre
et que sais-je encore ? En principe, on vote par conviction, en
fonction de valeurs, pour un programme qu'on souhaite voir mis en
oeuvre par celle ou celui qui s'en revendique et le défend. En
principe, oui.
Globalement,
on regrette que le taux d'abstention augmente, que les citoyens
s'éloignent de la politique. On parle de danger pour la démocratie
quand une très large majorité ne s'exprime plus ...par le vote. Je
ne vois pas moi un peuple français qui ne s'exprime plus. Je vois
des gens qui ne savent plus où et comment ils peuvent encore
s'exprimer, combien leur parole, leurs cris ne sont plus entendus par
ceux-là qui sont censé les traduire en lois et décisions
collectives. Je ne vois plus de lieux de débats politiques, je ne
vois plus beaucoup d'instances ouvertes au débat public avant de
prendre des décisions qui touchent tout le monde. Et cela aussi bien
aux niveaux municipaux, intercommunaux, départementaux, régionaux,
nationaux. Non, il n'y a plus de débats publics, plus de décisions
collectives, plus que des “échéances électorales”, des
“campagnes électorales” (en permanence) et la pression pour
faire déplacer les gens à aller voter. Point à la ligne !
On
parle aussi de l'option obligatoire du vote, sous peine d'amende pour
réduire l'abstention. Que des propositions “techniques” !
Mais
le “sens” du vote, la “valeur” du vote, le “pouvoir
démocratique” du vote, où sont-ils passés ?
Faut-il
passer par l'obligation pour occulter que l'envie d'aller voter a
quasi disparu ? Et d'agir sur les causes. Car si rien ne change, ne
bouge là-dessus de façon institutionnelle, que restera-t-il comme
moyen de changer les choses à notre niveau ?
Si
le vote “blanc” n'est pas visible (fortement mis en avant) et
pris en compte comme une réelle expression, alors en jouant le jeu
des “annonces” de résultat (pourcentage, pour/contre,
abstention), il ne resterait plus que la solution d'agir sur le taux
d'abstention pour que cela ait un impact. Je m'explique.
Du
désir à l'action
Une
question préalable : à partir de quel taux d'abstention, peut-on
considérer que le résultat d'un vote n'a plus aucune valeur
démocratique ?
Lors
du référendum alsacien sur la fusion des conseils généraux et du
conseil régional en une entité unique, pour que le “oui”
l'emporte, il fallait qu'il comptabilise plus de 50% des exprimés ET
au moins 25% des voix des électrices-électeurs inscrits dans chacun
des deux départements. Or, dans le Bas-Rhin, si le oui a obtenu plus
de 50%, par contre il n'a concerné que 22,9 % des inscrit-e-s (16%
dans le Haut-Rhin !). Les votes “blancs ET nuls” étaient à
3,20% et le taux d'abstention à 64,4% (deux départements ensemble).
La prise en compte des votes était donc fixée à 25 % des
inscrit-e-s pour permettre une validité démocratique du vote.
Techniquement sans cette barre des 25%, le oui l'aurait emporté
(dans le Bas-Rhin).
Le
vote blanc n'aurait rien changé, par contre c'est le taux
d'abstention qui a annulé la validité du vote. C'est un exemple
réel récent (avril 2013) qui va etre troublant pour la suite.
Revenons
à l'échelle nationale : les prochaines élections présidentielles
… et législatives.
Hypothèse
: je ne trouve pas mon compte dans les candidat-e-s présentés, je
suis attaché au droit de vote, je vais donc à priori aller voter
blanc.
Aux
résultats , le-la candidat-e X est élu-e (dans le système actuel
avec très peu de voix des inscrit-e-s, ça suffit pour devenir
président-e de la République), le vote “blanc ET nul” est à
disons, 5, meme 10%. Expliquez-moi ce que cela change. On a exprimé
en votant blanc que rien de ce qui était proposé ne nous convenait,
mais peu importe, ça ne compte en rien, ne change rien et on peut
recommencer ainsi ad eternam.
Mais,
admettons à présent que le taux d'abstention explose à disons
70-75 %. Comment cela sera-t-il analysé, interrogé et jusqu'à
forcément amener le débat sur la légitimité représentative du
vote.
Là,
je ne prédis pas l'avenir, mais à mon avis, ça posera “problème”.
Vous
commencez à comprendre le titre provocateur de cette chronique.
Si
dans quelques mois, il n'y a aucune proposition d'une rupture totale
avec le passé, pas de renouveau des représentativités politiques,
si on ne nous présente pas au moins deux programmes très différents
et portés par des personnes nouvelles, (nous ne sommes plus dupés
ni par le “retour” de Sarkozy, ni par le programme promis par
Hollande, ni par celles et ceux qui piaffent au portail), alors il
faut bien intégrer qu'il pourrait y avoir une envie d'une poussée
massive d'une abstention qui fait sens, qui est stratégique -et
non-violente- et pourrait porter un message fort de “basta, plus
cela”, on veut autre chose, vraiment autre chose car vos promesses
à répétition non-tenues ne vous protégeront plus du chaos que
vous avez directement provoqué, de ce qui s'appelera “une crise
institutionnelle” provoquée par une abstention massive et très
largement majoritaire !
Et
avec quelles conséquences dans un état d'urgence avec une
constitution remaniée, pourrais-je même rajouter pour compléter le
tableau et mettre en parrallèle deux choses qui le sont mais qu'on
ne veut pas avouer aujourd'hui.
De
l'action à la création
Alors,
contradictoire, “je suis pour le droit de vote, et je vais
m'abstenir” ?
Provocateur,
sans aucun doute, mais aussi interrogateur.
Je
ne sais plus, je doute, et dans ce cas, il faut ouvrir le débat et
écouter les autres, écouter les avis divers, divergents, s'enrichir
de la pensée d'autrui, de l'intelligence humaine.
Ouvrons
le débat là où nous pouvons le porter.
Pourquoi
me direz-vous, faire une chronique en février 2016 sur des élections
qui vont se passer en mai 2017 ? Il y aura le vote pour la Présidence
et dans la foulée pour les député-e-s. Donc autant dire que la-les
campagnes électorales vont commencer dès l'automne très
clairement, mais sont déjà dans pas mal de têtes. Il vaut donc
mieux s'interroger, réfléchir, écouter en amont que les dernières
semaines avant les votes où la propagande fournira toutes ses armes
pour vous encourager, vous faire peur, vous rappeler à l'esprit
républicain, alors que tout aura été fait et est fait pour
neutraliser ou niveller tout débat depuis des années.
Nous
pouvons reprendre le pouvoir sur nos vies, sur notre vie, notre façon
de vivre, ici et à tous les niveaux. La politique aujourd'hui n'est
plus agir pour le bien public, mais un rapport de pouvoirs et du
pouvoir, nous en avons encore. Pour le rendre visible et vivant,
localement, partout, il faut qu'il soit collectif et exemplairement
démocratique.
L'avenir
n'est pas écrit...
“Résister,
c'est créer ; créer, c'est résister.”
(Stéphane Hessel)
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