"Pourquoi un écologiste s'implique-t-il dans les questions financières ?
La transition écologique dont nous avons tant besoin pour transmettre une planète vivable à nos enfants a besoin de la finance, parce que l'écologie, comme une certaine finance, s'intéresse au long terme. Les réassureurs, ceux qui paient en dernier lieu les dégâts liés au changement climatique par exemple sont les alliés des écologistes. Mais cette finance de long terme, qui investit, croit en des projets et les rend possibles, est absorbée par une finance uniquement centrée sur le court terme, le profit immédiat des actionnaires entre autres...Transformer la finance est donc un combat écologiste et humaniste.
Mesure 1 :
Les Etats disposent d'une arme massive vis-à-vis des banques : ce sont eux qui octroient la licence bancaire. Il suffirait d'inclure dans les conditions d'obtention - et de maintien- de cette licence des règles concernant les paradis fiscaux, la lutte contre le blanchiment d'argent, les rémunérations ... etc...Les banques de la zone euro sont aujourd'hui totalement dépendantes de la Banque Centrale Européenne qui leur fournit de l'argent de manière quasi illimitée. Ces banques empruntent ensuite aux Etats à des taux plus élevés. La Banque Centrale Européenne refuse d'aider les Etats directement et d'autre part, ne demande aucun engagement en contrepartie des prêts à taux très bas aux Banques. Au niveau européen, il y a donc aussi moyen d'agir pour changer les règles de la banque Centrale Européenne.
Mesure 2 :
Les banques doivent se scinder en deux : séparer les activités de la banque d'affaires (investissements sur les marchés financiers) de la banque de détail (prêts aux particuliers, et petites entreprises, épargne,...).Cette séparation est tout à fait possible au niveau national. En plus, elles doivent disposer de plus de fonds propres pour être moins vulnérables.
Mesure 3 :
L'Autorité bancaire européenne devrait interdire aux banques sous-capitalisées de verser des dividendes et des bonus. Le régulateur américain le fait.
Mesure 4 :
Les CDS (dérivés des crédits) sont supposés permettre de s'assurer contre la faillite d'une entreprise ou d'un Etat. Ils sont devenus de fait des armes de spéculation massive contre les dettes des Etats. L'Europe doit interdire tous les CDS sur les dettes des Etats. Les banques (privées) s'autoassurent contre le risque de faillite d'Etat qu'ils endettent, alors que si ces Etats ne remboursent pas les crédits alloués, les banques font faillite : c'est complètement pervers. Au final ceux qui payent, ce sont les contribuables et/ou les banques centrales des Etats.
Mesure 5 :
Les subprimes ou les prêts exotiques aux collectivités locales font parti aussi de ces inventions de la libéralisation de la finance. L'Autorité européenne des marchés financiers (avec avis du Comité européen du risque systémique) devrait pouvoir donner obligatoirement son autorisation avant commercialisation de tout nouveau produit bancaire.
Mesure 6 :
Les marchés devraient être remis au service du financement de l'économie. On peut pour cela réinstaller une durée minimale de détention de titres financiers, cela permettrait de revenir à des investissements à moyen et long terme. Les Etats-Unis l'ont fait (Volker Rule).
Mesure 7 :
Adopter en Europe l'équivalent de la loi américaine FATCA (qui entrera en vigueur en 2013) contre le secret bancaire pour lutter contre les paradis fiscaux. Obligation à toutes les institutions financières ouvrant un compte à un citoyen européen ou une entreprise à capitaux à majorité européens à déclarer ce compte aux administrations fiscales des Etats membres.
Mesure 8 :
Les règles européennes obligent les gestionnaires de fonds à vendre les produits qu'ils détiennent si leur notation se dégrade. Il faut donc retirer de la régulation financière européenne toute référence à ces notes délivrées par des agences de notation. De même , ces agences ne devraient pas avoir le droit de faire des préconisations d'ordre politique car cela ne fait pas partie de l'évaluation des risques conférée à ces agences.
Mesure 9 :
Mettre fin aux conflits d'intérêts dans la finance. De nombreux exemples existent. Entre autres, il faut empêcher un haut fonctionnaire ayant eu à traiter du secteur bancaire d'aller y travailler dans les cinq ans qui suivent (et réciproquement).
Mesure 10 :
Taxer les profits indus: instaurer un impôt progressif sur les sociétés financières, pas de déduction des enveloppes des bonus de leurs bénéfices, taxe sur les transactions financières au niveau européen.
En tant qu'épargnant, quelle finance est-ce que j'encourage, de quel type de banque suis-je client ?...Banques coopératives, banques mutualistes... La question de la monnaie elle-même peut être posée, des monnaies locales existent déjà à côté de l'Euro par exemple.Construire la démocratie financière, c'est retrouver un lien direct avec l'Etat qui a besoin d'argent pour financer les services publics et donc a besoin de l'épargne des citoyen-ne-s.L'intégralité du financement de l'Etat actuellement se fait au travers des marchés financiers. Il est tout à fait possible, pour une part, de proposer des emprunts populaires (la Belgique l'a fait en 2011).
Il faudrait créer un Ministère de la Réforme Financière dès 2012, faire en sorte que le politique reprenne la main sur la finance. Le système financier actuel est un obstacle majeur à la construction d'une société plus humaine et d'une économie soutenable tant sur le plan social que sur le plan environnemental.
Contribuons à un nouveau New Deal pour le XXIème siècle. "
LIRE
"CE QUE LES BANQUES VOUS DISENT ET POURQUOI IL NE FAUT PRESQUE JAMAIS LES CROIRE" de Pascal Canfin,
économiste, député européen Europe Ecologie-Les Verts, vice-président de la commission spéciale sur la crise financière, à l'origine de l'ong Finance Watch (éditions Les Petits Matins- 125 pages-5 €)
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