Pour ne pas se laisser entraîner
émotionnellement dans la propagande médiatique, refaisons un retour
en arrière sur les faits.
Aucune commission, aucun service de
l'Etat ne voyaient une urgence à se pencher sur les comptes de la
Sécurité Sociale et le financement des retraites. Mais cela fait
depuis le premier quinquennat d' Emmanuel Macron (et même avant en
tant que ministre de l'économie de Hollande) que celui-ci cherche à
privatiser la plupart des services et entreprises publiques :
SNCF, EDF, ...ALSTOM, TOTAL,...afin de favoriser la caste financière
qui l'a fait élire. Blackrock, les fonds de pension, les assurances
privées, les mutuelles et services bancaires étaient à l'affût
depuis un moment concernant le pactole du budget des retraites qu'ils
souhaitent capitaliser.
En même temps, le président Macron,
bon représentant de la caste des riches, distribue sans compter
l'argent public aux grosses entreprises sous différentes formes
(déductions, subventions, exonérations, …), sans conditions, sans
contraintes.
Un peu plus tard, il argumente d'un
déficit important pour justifier qu'il doit atteindre un équilibre
budgétaire ...à commencer par le budget des retraites, pour
rassurer les marchés financiers afin qu'ils continuent à prêter de
l'argent à la France !!!
Selon ses calculs (basés sur des
hypothèses bancales), il manquerait (au régime des retraites) entre
12 et 13,5 milliards € en 2030. Et pour l'équilibrer, il ne met en
avant qu'un scénario possible (« difficile, mais
nécessaire ») : rallonger le temps de travail de 2 ans et
la durée de cotisations. Il n'est envisagé aucune autre alternative
de financement. Toutes celles proposées sont rejetées ou même pas
examinées.
Par exemple, payer les sommes prélevées
par différentes taxes destinées au budget de la Sécurité Sociale,
rétablir l'ISF (Impôt Sur la Fortune), taxer de 2% les plus riches
et les super-profits, obliger l'égalité salariale hommes-femmes
(avec sanctions en cas de non-application), etc...
La politique du président qui consiste
à contribuer aux profits des riches et demander « un effort »
à la classe laborieuse de travailler 2 ans de plus est vite perçue
comme une injustice sociale, une injustice fiscale. Sans compter que
beaucoup des plus de 55 ans sont déjà mis ...au chômage.
Voilà comment sont considérés celles
et ceux qui tenaient le pays debout au moment des 2 ans du Covid.
Le projet de loi, de reculer l'âge de
la retraite à 64 ans avec 43 années de cotisations, est ressenti
comme du mépris, est vécu comme un manque de reconnaissance, de
considération humaine, de n'être justifié que par la finance.
Pour faire passer la loi, elle est
intégrée dans la loi de financement de la Sécurité Sociale. Et
quand elle arrive en première lecture devant les députés, aucune
alternative de financement n'est incluse dans le texte présenté et
les débats sont restreints à une durée minimale.
Devant ces premiers abus de procédure,
l'opposition parlementaire dépose une multitude d'amendements à
discuter, à débattre. On avait d'ores et déjà compris que le
président Macron voulait faire passer cette loi de force en
utilisant tous les leviers à sa disposition : loi de
financement Sécu, 47.1, Sénat à sa botte, vu leurs régimes
spéciaux qui ne seront même pas cités à changement. Après la
Commission Mixte Paritaire, le texte revient à l'Assemblée
Nationale pour le vote.
Le clan du président (Renaissance,
Horizons, Modem) ne disposant d'aucune majorité, ses « alliés »
Les Républicains (LR) étant divisés, Macron fera adopter sa loi
sans vote, sans déclarations des partis « représentatifs »,
par la procédure du 49-3, réduisant les députés à l'inutilité,
au silence.
Et surtout, il ne faut pas oublier le
contexte. Les syndicats, pour une fois unanimement rassemblés, font
part du mécontentement de la classe laborieuse, puis de leurs
inquiétudes. Devant le refus du président d'écouter leurs
propositions, ils organisent les premières manifestations. Face au
rassemblement de centaines de milliers de personnes, pacifiques, à
travers tout le pays, 8 fois, le président fait l'aveugle et le
sourd.
Les mouvements de grèves se
densifient, certains blocages commencent. Les sondages unanimes
parlent de 70% de la population qui est contre ce projet de loi et
jusqu'à 93% des actifs.
Son interview de justification ne fera
qu'attiser encore plus la colère générale, par son arrogance, son
mépris, son déni de la réalité de ce qui se passe dans son pays.
Bien sûr, il connaît la suite de
son plan stratégique : une radicalisation de l'expression de la
colère, une répression policière qui sera justifiée par « le
rétablissement de l'ordre public » et compter sur la
lassitude de la mobilisation puisque les jours de grève ont un
impact financier sur les familles, qui subissent déjà une inflation
et des prix à la consommation qui explosent. Il est convaincu
qu'ainsi, le soutien de la population aux mouvements sociaux va
s'atténuer et s'inverser.
Parlons des violences invoquées.
La première violence a été d'imposer
ce texte de loi qui n'avait aucune urgence, aucune priorité, si ce
n'est qu'humilier encore plus la classe laborieuse.
La deuxième violence a été de passer
en force ce texte par le 49.3, une atteinte à la démocratie en
réduisant les députés à un rôle négligeable alors qu'ils sont
censés représenter les habitants de leurs circonscriptions, la
France des territoires.
La troisième violence a été de
négliger, d'ignorer les 8 mobilisations massives pacifiques,
gigantesques à travers tout le pays, une deuxième humiliation.
La quatrième violence a été les
mensonges permanents (1200 € pour tous !!! c'est pour VOTRE
avenir, ...) pour justifier cette réforme « indispensable
et nécessaire ». Pourtant, pas mal d'économistes
indépendants, et même des services de l'Etat, disaient le
contraire, indiquaient d'autres pistes de financement.
La cinquième violence a été lors de
cet interview le lendemain du passage en force par le 49.3 d'être
dans le déni complet, en déroulant son programme électoral à
venir, comme si de rien n'était.
Cette dernière attitude a fait
exploser sans retenue avec une 9ème mobilisation, la plus massive
(3,5 millions de personnes dans tout le pays, des grandes villes aux
petites bourgades) où une frange plus radicale a commencé à
répondre à la violence d'Etat par des actes symboliques amplifiés
par les médias de propagande comme d'habitude.
Car, dans les faits, ce sont surtout
des dégradations ciblées : magasins de luxe, banques,
bâtiments symboles du pouvoir de l'Etat. Et pour les images, ce
sont des feux de palettes, poubelles des rues, matériel de chantier
comme barricades....
Conscients que le président a mis le
feu aux poudres, les autorités policières ont mis des moyens
énormes et procèdent par encerclement et nassage comme en temps
d'insurrection. Ce déploiement démesuré est tout autant une
provocation. Tout le monde a compris que la stratégie
gouvernementale est le pourrissement.
On se souvient de la période de
révolte des Gilets Jaunes où les occupations pacifiques de
rond-points étaient considérées comme génantes, puis illégales,
et enfin, à détruire. Là aussi la massification n'a pas réussi à
déboucher les oreilles du président jusqu'à ces jours où Paris
fut envahie et les beaux-quartiers avec ses boutiques et voitures de
luxe dégradés.
A ce moment-là, Macron a bougé car on
attaquait les riches, directement visés.
Mais déjà avant, la police politique
de Macron avait usé de la violence de ses armes contre la foule et
éborgné et mutilé de nombreux manifestants. Qui ne s'en souvent
pas ?
Combien de personnes ont été
éborgnées, mutilées par la frange radicale des Black Blocs ?
Devant les faits, la propagande ne
tient pas longtemps : grenades lacrymogènes, grenades de
désencerclement, coups et blessures, arrestations abusives, canons
à eau, équipements de haute protection avec en face des gros
pétards , des jets de poubelles, des feux de palettes,….
Violences ou dégradations, ce n'est
pas la même chose.
Il ne faudrait pas se laisser entraîner
dans le verbiage médiatique, politique et oublier les causes de la
colère et le dédain de celui qui est censé gouverner pour le bien
public …
La violence, elle est de quel côté ?
Celle des vitrines de banques, des
boutiques de luxe ou celle qu'on assène sur la vie des « gens ».
On peut aussi observer les effets
collatéraux de cette crise politique, de cette crise sociale, mais
aussi environnementale.
Les poubelles entassées sont les
résultats des achats emballés, achetés qui vont être de toute
façon brûlées dans un incinérateur. Au moins les habitants voient
le résultat de leur façon de consommer...
Les MacDo et supermarchés dégradés
sont les symboles de la mal-bouffe et d'une agriculture industrielle
qui dégrade les sols fertiles et les empoisonne.
Les banques sont les symboles du
financement des projets les plus polluants et de la main-mise de
l'argent sur nos vies quotidiennes. Elles imposent leur loi des
profits jusque à la tête du pays.
Les blocages-grèves dans les
raffineries et dépôts de carburant montrent combien nous sommes
dépendants du pétrole.
De même, l'occupation des centrales
nucléaires , la réduction de leur production, nous interroge sur
notre dépendance à l'électricité et notre façon de la produire..
La pénurie des biens et matériaux
indique tout autant combien nous sommes dépendants de l'importation
des produits de la Chine et autres pays. Cela nous met face à
l'abandon de pas mal de secteurs de production, délocalisés, avec
la perte des savoirs-faire et brevets innovants de la recherche.
L'approvisionnement des magasins de
biens se fait par les camions qui transportent les stocks qui ne sont
plus dans des dépôts, et qui à défaut de pétrole sont
bloqués....
Et, tout en craignant la sécheresse et
le manque d'eau, l'agroindustrie construit des méga-bassines de
réserves d'eau réservées aux champs de la monoculture intensive et
protégées par des milliers de policiers alors que le président
parle de priorité à l'école, la santé et ….l'écologie !
On est bien dans ce système qui était
résumé dans « fin du mois, fin du monde » et
surtout de la nécessité vitale d'en changer.
Celles et ceux qui ne l'ont pas encore
compris, intégré, s'imaginent que ils-elles vont s'en sortir alors
que ils-elles seront les premiers à ne pas savoir comment se sortir
d'une crise sociale, écologique, dépendant-e-s et démuni-e-s, sans
savoirs-faire.
L'argent n'achète pas tout et le
pouvoir est illusoire quand il est basé uniquement sur le système
financier. Ce n'est qu'une question de temps pour en mesurer les
effets....
L'avenir n'est pas écrit.