lundi 25 avril 2016

Une crise institutionnelle par le boycott des urnes


On occupait le campus de l'Université de Strasbourg, l'amphi de la fac de lettres devenait le lieu des assemblées générales, du débat permanent, les locaux de l'école d'architecture de la place de la République un lieu de confection des affiches qu'on collait la nuit...On était jeune, on voulait changer le “vieux monde", vivre plus libre, sortir du carcan conservateur qui sévissait, casser les barrières, découvrir autre chose... La guerre était finie depuis presque vingt-cinq ans, nous étions la génération de l'après qui voulait jouir de cet espace de paix et de prospérité lié à la reconstruction.
Maintenant, ce sont nos enfants qui occupent les places publiques, qui réinventent la démocratie horizontale, qui expriment leurs envies, leurs désirs, leurs rêves, qui cherchent à construire un nouveau modèle du vivre ensemble, de vie tout simplement.

                                                  (dessin de Phil Umdenstock-Colmar)

 

Il y a quelque temps, Patrick, mon ami vigneron, se disait choqué par ce qu'il voyait autour de lui. Il me racontait que dernièrement alors qu'il se baladait en ville, il a vu une mère qui promenait sa poussette avec un très jeune enfant dedans. Et cet enfant regardait une tablette numérique dans sa poussette alors qu'il devait avoir deux-trois ans...
Il faut bien reconnaitre que où que nous allions, nous voyons nos adolescents, nos jeunes, accrochés à leur téléphone portable, connectés en permanence, les écouteurs collés aux oreilles. Cela peut être inquiétant pour une certaine génération, mais l'espace a été envahi très vite par tous ces objets connectés et c'est un super business. On pensait aussi que cela appauvrissait la réflexion, qu'ils étaient indifférents au monde réel, que c'était chacun-e pour soi et qu'avant tout, il fallait essayer de “s'en sortir” au mieux, sans espérer que cela dure. Détachés de la politique, car celle-ci sert essentiellement aujourd'hui les intérêts des entreprises en précarisant la main-d'oeuvre. L'accord transatlantique en discussion, le traité européen ont ouvert les barrières commerciales, financières et ont mis les salariés dans une situation de concurrence mondialisée. Les bénéfices des entreprises ne sont plus partagés (sauf avec les actionnaires) ou investis, mais placés en Bourse dans une économie virtuelle vouée à développer des crises à répétition.

Et puis, depuis quelques semaines, une partie de cette jeunesse s'est réveillée, s'est mobilisée, a retrouvé le sens de l'action collective. Et quand la jeunesse bouge et agit en groupe, le pouvoir politique tremble : ça a toujours été le cas, il faut bien en être convaincu.



Nous sommes aujourd'hui dans un moment fort où il y a la rencontre entre des personnes qui sont déjà en lutte pour un autre modèle de société et des citoyen-ne-s qui sentent bien qu'il y a un problème, mais qui ne savent pas comment l'aborder et agir dessus. Il s'agit de faire le lien entre ces deux attitudes, d'inviter ces indécis ou démobilisés à rejoindre les luttes en cours, les mouvements citoyens qui bougent, à se réimpliquer dans la politique plutot que de voter pour le moins pire ou par chantage au Front National/RBM. Le mouvement actuel fait le point sur ces luttes disséminées partout, sur ces iniatives citoyennes de personnes qui (se) bougent, agissent pour faire évoluer les choses, changer la vie. Nous sommes dans un moment de convergence de ce qui se passe déjà partout.

Ce mouvement se veut avant tout en dehors des partis traditionnels, en dehors des sphères des “élu-e-s”, un mouvement qui veut réinventer la démocratie directe, horizontale, aux décisions collectives sans représentant-e-s. Mais cette démarche ne peut cependant s'appuyer que sur des idées politiques définies par un fond commun partagé comme la remise en question du productivisme, du pouvoir financier, la lutte contre les idées d'extrême-droite, une prise en compte très forte de l'écologie, …
Longues et riches discussions lors des débats, partage des expériences, travail de synthèse en commissions, l'opposition constructive au projet de loi du travail dépasse largement ce cadre pour esquisser tout doucement le type de société dans laquelle veut vivre cette jeunesse et sur quelles bases. La citoyenneté est bien le rapport entre Etat et société et comme l'écrivait Victor Hugo : “Rien n'est plus puissant qu'une idée dont l'heure est venue”.





Et aujourd'hui la diffusion des idées peut aller très vite avec les moyens numériques ….dont sont équipés tous nos jeunes et qu'ils maitrisent très bien. Le problème n'est donc pas l'outil (pour en revenir aux propos du début de cette rubrique), mais son utilisation, qui peut s'avérer redoutable en terme d'appels à mobilisation et à la diffusion des informations ou vidéos.

Dans ce même temps, la caste des élu-e-s, qui pense déjà à leur réélection aux Législatives de l'an prochain, à la Présidentielle, oublie qu'elle peut subir un choc, une révolution, une crise institutionnelle provoquée par ce mouvement qui pronerait un boycott, une grêve des élections et des urnes, ce qui serait un moyen de donner un grand coup de balai dans ce vieux monde, dans ce modèle de société que cette jeunesse ne veut plus et nous, non plus.

Tôt ou tard, la question institutionnelle des échéances électorales apparaitra dans ce mouvement “Nuit debout” et la question du choix apparaitra. Autant dégrossir la question avant, pour ne pas subir à nouveau le chantage classique du “contre” ou “par peur de...” !

Pour moi, le choix d'un boycott des urnes ou de la grêve du vote me parait aujourd'hui pertinent et peut devenir opérant si cela devient un mouvement de masse explicité.



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