lundi 24 avril 2017

L’ALSACE A DE LA PEN

Les cigognes sont dans les prés et nichent sur les toits, les géraniums commencent à fleurir sur les balcons et rebords de fenêtres, les vignes prennent des feuilles, la saison des asperges bat son plein, bienvenue en Alsace, le seule région de France à droite qui depuis hier soir est à l’extrême-droite puisque le Front National rebaptisé « au nom du peuple-Marine présidente » est majoritaire par ici.
On avait l’habitude d’une France coupée en deux où UMP(RPR-LR)  et PS  se partageaient le pouvoir alternativement. Les titres des journaux parlent ce matin au lendemain du premier tour de la Présidentielle française d’un « évènement » « historique » alors que ce n’est que le remake d’un vieux scénario habituel avec peu de variantes. Pour cette finale du 7 mai, nous avons  le libéralisme financier d’un côté et la xénophobie, l’enfermement, le rejet de l’autre côté ; « patriotes contre nationalistes » (!!!!) selon les termes du finaliste.

                                           dessin de Phil UMDENSTOCK (Colmar)



Si le désir, l’espoir sont importants dans notre vie, pas mal de monde a du être bien déçu hier soir au moment des résultats. Pour les personnes habituées au monde politique, cette « finale » était une évidence depuis un moment tant en France, il n’y a que peu de surprises : nous sommes dans un pays très conservateur, légaliste où on n’aime pas sortir de sa zone de confort et où règne encore la nostalgie des belles années de « croissance »…où les laissez-pour-comptes sont complètement déboussolés.
La caste dominatrice de droite a montré son vrai visage avec le caméléon Fillon qui malgré sa corruption avérée (protégée par son statut d’immunité parlementaire de député) draine encore derrière lui cette fange réactionnaire et passéiste des siècles derniers où les hobereaux locaux avaient tous les droits, où l’argent donnait le pouvoir, peu importe les moyens d’en avoir…
L’hégémonisme du PS est sans limite et son aveuglement est définitivement entier. Hamon et son parti (de trente ans de militance !) est le fossoyeur de la gauche et le croque-mort de son propre parti qu’il a vu s’effriter chaque jour davantage au gré de la campagne. Mais cela ne l’a pas tilté une seule fois et son égo, sa discipline apparatchik l’ont amené à casser tout espoir à ce nouveau élan perceptible, à détruire le rêve d’un changement radical, économique, social et environnemental. Lui et son parti en seront comptables aux élections législatives de juin où ils seront balayés.
Je me souviens d’il y a ...quinze ans, en 2002. Il y avait bien plus que onze candidats et on s’est retrouvé dans une situation quasi équivalente : Chirac (UMP) 19,88 %, Le Pen père (FN) 16,86 % Jospin (PS) 16,18 % Mamère (Les Verts) 5,25 %. Je sais vous me direz que je confonds tout, que Macron ce n’est pas Chirac, que Le Pen père c’est pas Le Pen fille. Oui, sur le papier et dans la propagande des médias. Mais en réalité, ça ne change quasi rien. La seule différence aujourd’hui c’est que UMP/LR, PS et EELV sont des partis morts, mais qui se sont décrédibilisés tout seul ces dix dernières années. Et en plus frappés d’amnésie. Le PS allait alors droit dans le mur en ne cherchant comme d’habitude aucune alliance sérieuse avec des partenaires. « Vous ne pesez rien » disaient les socialistes aux Verts. Et aujourd’hui avec la même stratégie hégémonique de maintien (alors que tous ses cadres lâchaient le radeau pour rejoindre Macron), leur score est à peine au-dessus de celui de Noël Mamère en 2002. Hamon tenait ce soir de résultats de 2017 un discours calqué sur celui de 2002 : « la gauche est dispersée, ...c’est une leçon à méditer...il faut se rassemble...je prendrai toutes mes responsabilités et ma part dans cette reconstruction ». Ses lieutenants, Guedj et Christian Paul faisaient le perroquet après lui. Mais derrière ces mots, ne cherchez aucun mea culpa car c’est la faute des autres, c’est à dire de Mélenchon et son mouvement. Nier l’évidence, faire oublier vite pour sauver quelques postes de députés en juin !!!
Mais celles et ceux dont l’espoir d’un changement radical est tombé hier soir ne se tourneront PLUS JAMAIS vers ce PS moribond, hégémonique, exclusif, qui n’aura plus de représentation. En sachant clairement qu’il ne serait pas au deuxième tour, le maintien jusqu’au boutisme de Hamon ressemble au même entêtement égotique que Fillon. Eliminés au final tous les deux avec leur parti et leurs alliés.


dessin de Jean AUREL (Politis) 

Donc, il nous reste le libéral financier de la caste des banquiers et affairistes mondialisés et la raciste dictatoriale de la caste refermée sur elle-même derrière ses murs « protecteurs » !!! Comment un-e de ces deux-là peuvent-ils représenter LA France, notre France, la France généreuse des Lumières et émancipatrice ? Ils représentent le côté obscur où une grande partie du peuple de France ne se reconnaît pas. Car si les deux finalistes font 45,28 % des électrices et électeurs, que vont faire les autres 55 % au deuxième tour ? Si le taux de participation est élevé à ce premier tour avec 78,69 %, qu’en sera-t-il au deuxième tour ?
En 2002, la stratégie de la peur avait fait recette. Au deuxième tour, Chirac l’emportait avec un résultat digne des potentats dictateurs, 82 %. La leçon a été retenue. Cela n’avait rien changé à sa politique pour soit-disant TOUS les françaises et français. Hier soir, Emmanuel Macron ne disait pas moins : « je veux rassembler tous les patriotes contre les nationalistes, je serai le président de TOUS les français ». Patriote est d’ailleurs un mot qu’on va entendre beaucoup pendant ces deux semaines puisque Marine l’utilise tout autant.

Celles et ceux qui ne prêtent que peu d’attention à la politique en dehors des périodes électorales et ne souhaitent que continuer à faire des affaires sans que l’État s’en mêle et vienne leur demander des comptes (de solidarité, de mutualisation), ceux-là voteront Macron, leur représentant-tête de gondole comme au premier tour. La caste des élu-e-s cumulards qui veulent sauver leur poste de député-e se mettront du côté de celui qui a le plus de chance.
Celles et ceux qui pensent qu’un pays fermé sur lui-même, sur une sélection raciste et de rejet des « différents opposants » (ça rappelle des souvenirs pas très vieux) redorerait son blason et redeviendrait ainsi prospère, continueront à voter pour la dynastie des Le Pen (père, fille, tante…).

Et cette autre France, celle des 55 %, que choisira-t-elle ou pas ? Une grande partie s’abstiendra car le vote « contre » n’est pas un vote. L’enjeu suivant et le vote de conviction se retrouveront à l’élection Législative des 11 et 18 juin prochain car tout président a besoin d’une majorité. Et si les 55 % veulent une représentativité de leur opposition ou non-représentation alors les cartes seront encore redistribuées une nouvelle fois. Et le paysage politique français sera peut-être bien plus divers qu’on veut nous le faire croire.

Les élections sont un moment, mais ce qui fait le plus bouger les choses ce sont les mouvements citoyens, les mobilisations de masse, les « nuit debout », les initiatives locales non-marchandes, les circuits courts, tout ce qui échappe au big business et à l’emprise des banques et de la grande distribution. On a beau nous marteler que c’est anecdotique, marginal, mais nous, on sait bien que c’est un changement de civilisation, une transition vers d’autres modes de vie et de production-consommation, une onde qui se propage sans contrôle et en dehors des sphères convenues de la politique politicienne.

Reprendre sa vie en mains, relocaliser les décisions démocratiquement, agir ponctuellement et collectivement, construire des circuits durables et non-délocalisables, changer de manière de penser sa vie, revenir aux fondamentaux humains et aux biens communs, il y a mille manières d’être et d’agir.

En ce lendemain d’élection, la politique sous cette forme est décevante, parfois même écoeurante. Mais la vie n’est pas cela et c’est à chacun-e de nous de la construire, la façonner, la partager et d’être en paix (et parfois fier-e) avec ce que nous réalisons pour nous, nos proches, la communauté.





lundi 3 avril 2017

UTILE ? CONTRE ou PAS ...

Ah, les sondages qui veulent diriger notre façon de réfléchir et de voter en influençant au quotidien...Mais on sait bien ce qu’ils valent à la lueur des événements de ces derniers mois où tous les résultats ont contredit les prévisions. Ce qu’il est probable de dire sans trop se tromper, c’est que les partisans de Marine Le Pen et de François Fillon sont définis et ne changeront que peu. Quoi qu’il arrive , ces convaincu-e-s n’entendent rien de ce que la presse d’investigation et les juges mettent en avant. Ils-elles sont aveuglé-e-s, quitte à nier les évidences. Cet électorat est donc figé et permet une indication. Il suffit de dépasser les 25 % au premier tour pour être parmi les deux « finalistes ».
Les sondages qui pensent faire l’opinion avec leurs publications quotidiennes ne sont que des remplissages des médias de propagande. Ils ne sont guère fiables et on peut les oublier sans problème. Depuis que la phase officielle de la campagne électorale Présidentielle a commencé, on sent bien une dynamique pour des candidats ignorés jusque là.



Elle est plutôt négative pour Macron l’ultralibéral, (poulain de Jacques Attali, Jean-Pierre Jouyet et Alain Minc), l’initiateur du CICE, de la vente d’Alstom et de l’aéroport de Toulouse, de la loi travail, de l’envahissement des bus sur les routes et qui reçoit des soutiens encombrants, mais révélateurs. Il se perd de plus en plus dans ses déclarations alambiquées et procède par annonces et démentis avec des visites qui ressemblent à du casting pour des candidat-e-s éventuel-le-s aux Législatives pour son camp. Des promesses sans accords fermes. Son programme dévoilé au fur et à mesure montre ses limites et surtout son inspiration libérale et financière : un jonglage à perdre les boules. C’est ce qu’il veut depuis le début : rester vague avec un grand sourire charmeur pour combler ses lacunes et errements. Il se vend comme un produit nouveau, tête de gondole et bonimenteur à la fois. Les sondages le concernant ne peuvent être aucunement fiables puisque son électorat est volatile et peu décidé fermement à ce jour.

Une dynamique plus positive celle-là est du côté de Mélenchon qui remplit les salles de ses meetings, décline un programme élaboré collectivement dans des réunions à travers la France depuis des mois, assure le spectacle des table-rondes et interviews par son bagoût de tribun hors pair qui maîtrise et connaît parfaitement ses dossiers. Il est crédible dans sa démarche commencée il y a plus d’un an, rassemble un très large public autour de son nom et bénéficie d’un mouvement important mobilisé partout. 
 
Les sondages ne peuvent pas faire autrement que de le mettre à la hausse, mais la réalité pourra créer la surprise s’il bénéficie d’un vote massif : savoir mobiliser les indécis-e-s et les abstentionnistes.


 
Hamon et les autres ne seront plus très regardés ces prochains jours. La dynamique du frondeur PS est vite retombée dans les limbes d’un parti hégémonique qui coule définitivement. Il pourra rafistoler les morceaux mais restera dans la mémoire comme celui qui aura fait perdre la chance historique d’une victoire de la gauche progressiste sociale et écologique. Il n’avait rien à perdre , aurait pu s’inscrire dans le temps en s’alliant à Mélenchon et France Insoumise, mais il a tout râté à part sa victoire à la primaire de la « Belle Alliance Populaire » qui n’avait d’alliance que le nom générique pour masquer le grand vide creusé par cinq ans d’une politique libérale à l’opposé des promesses de campagne du candidat PS Hollande.

Si Lasalle se veut le défenseur du monde rural, bien implanté dans sa montagne et député Modem, Poutou (NPA) et Arthaud (LO) ne représentent plus que quelques personnes qui resteront toujours en marge de toute transformation non-violente. Dupont-Aignant marche sur les traces du FN, sauce De Villiers, chevalier nationaliste plus blanc que blanc, mais cumulant les mandats divers de député, maire et communauté de communes. Les deux autres, Cheminade et Assilineau, on découvrira leurs délires dans les professions de foi qu’on recevra avant le jour du vote. Ils ont réussi à convaincre des maires pour obtenir leur cinq cent parrainages, ce qui est, soit une performance, soit une interrogation sur certain-e-s élu-e-s…

Pour les écologistes, qui ont vu les cadres du parti se disséminer dans tous les sens, il reste la question centrale de la prise en compte de la transition vers un changement de civilisation. Pour savoir qui, parmi les candidat-e-s, est le-la plus sensible et prêt-e à aller dans ce sens, il suffit de se pencher sur le sujet du nucléaire. Cette industrie civile et militaire est mortifère et engage les générations futures avec des déchets radioactifs pour des centaines d’années. Sans compter la dangerosité des installations comme on a pu le voir avec les catastrophes multiples de Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima. Cela implique aussi des transformations importantes sinon essentielles sur notre façon de nous chauffer, de consommer, de nous déplacer,... c’est changer notre regard sur la vie, de penser l’avenir. C’est donc un bon critère pour savoir comment et où ces prétendant-e-s à diriger notre pays (et aussi l’Europe) veulent nous emmener et s’ils-elles ont une réelle vision sur le monde qui nous entoure et en devenir.

Pour le premier tour, cela se jouera probablement entre Mélenchon, Macron et Le Pen du nord. Car au sein du FN, l’unanimité est loin d’être le cas avec la concurrente Maréchal-Le Pen du sud.

Donc, Macron, Mélenchon, Le Pen et si au final, les deux derniers devaient être en tête, cela fera un deuxième tour idéologiquement très intéressant avec deux visions très marquées ou le choix sera au moins clair. Pour ce dernier cas de figure, il faudra une mobilisation importante (qui peut être liée à l’abandon/l’écroulement de Hamon) et une surprise aussi importante que le retrait de Hollande et les résultats aux votes des différentes primaires qui ont éliminé Sarkozy et Valls.
Les Présidentielles ont toujours été un jeu de pronostics surtout lorsqu’il n’y a plus de votes de conviction, d’adhésion pour une large part de l’électorat potentiel. Mais le jeu est pervers entre
vote « utile », vote « contre » ou ne pas voter en toute conscience.

Cette campagne électorale de 2017 marque la fin d’un cycle face à une classe politique qui s’est décrédibilisée cette dernière décennie, par ses volte-faces, ses mensonges, pour garder le pouvoir et des mandats, à n’importe quel ...prix.

À suivre...