vendredi 10 mars 2017

L’ENJEU de la PRESIDENTIELLE 2017 : l’ELECTION LEGISLATIVE !


Vous commencez à vous demander si l’air de la montagne est vraiment si pur puisqu’il semble dérégler un peu le cerveau quand vous lisez le titre de cette chronique. L’euphorie des hauteurs, l’atrophie liée au recul, la perte de repères, ...Et bien non, c’est juste la suite d’une stratégie que peu de personnes comprennent jusque là.

Vous avez bien lu (entendu) tous mes arguments, mes analyses dans les « chroniques » précédentes qui m’amènent au choix (et je ne serai pas le seul, loin de là) du boycott conscient à la Présidentielle 2017. Je ne reviendrai pas là-dessus ici, mais ce que je disais il y a des mois déjà ne fait que se confirmer chaque jour un peu plus.
Vous avez compris aussi que si je compare les programmes entre ceux qui sont déjà publiés et dévoilés, mon choix irait vers « l’avenir en commun » qui marque une vraie rupture et donne de nouvelles perspectives. On ne peut pas être d’accord à 100 % avec ce qui y est proposé, mais l’essentiel y est avec des points à éclaircir, certes. Bien entendu, ce programme n’a rien à voir avec la poursuite de la politique menée depuis dix ans (et bien plus) qui est d’essence libérale encourageant entreprises du CAC 40, actionnaires et banques-assurances privées avec l’argument du plus de productivité, facteur d’emplois (mais quels emplois durables et à quels prix?). Qu’ont gagné le monde du travail, les ouvriers, les artisans, les employés, les agents des services publics, les retraités, les….Rien à part le refrain récurrent de : « il faut faire des efforts, ça ira mieux demain » ce qui veut dire mieux, juste quelques semaines avant les prochaines élections, histoire de faire croire que l’embellie arrive et qu’ « il faut nous soutenir encore pour que cela continue ». Eternel refrain, éternel scénario et... lassant au bout d’un moment.
Ceci dit, peu importe comment on tourne et retourne les candidatures actuelles, le scénario-type probable est un deuxième tour entre Le Pen (« au-dessus des lois ») et un des prétendants : Macron, Fillon, Hamon...* Dans ce cas de figure, l’appel à la peur (vote contre) et /ou au vote utile feront à nouveau l’affaire et ce sera reparti pour un nouveau tour de manège pour cinq ans...Macron c’est l’État géré comme une entreprise et une banque, Fillon (« peu importe la loi et la morale ») c’est du Sarkozysme connu avec une proximité idéologique entre plus forte avec le FN, Hamon c’est les belles paroles et la soit-disante difficulté à les traduire dans les faits, les lois, les choix et donc au final de rentrer dans le moule libéral (et social ?) du PS actuel. 


 
Il faut donc interroger le grand silence actuel sur la fin du feuilleton électoral. D’accord, on est dans la Présidentielle, mais elle est intimement liée à l’élection Législative. Toujours est-il que pour tout président, pour gouverner, il faut quand même au final un semblant de majorité parlementaire sinon il y a blocage et décisions anti-démocratiques à coups de 49-3 permanent (imposition forcée sans débat, souvenez-vous de la Loi Travail Valls-Macron-El Khomri).
Et pour obtenir une majorité « parlementaire », cela se joue un mois après la Présidentielle lors des élections Législatives des 11 et 18 juin.

Et là, nous ne sommes plus dans le choix de l’homme-femme providentielle qui va sauver, redresser, redonner la grandeur, réformer, changer, etc...Nous serons dans nos territoires, dans le local, sur le terrain de la vraie vie en dehors des palais dorés de la République, confrontés à des vraies personnes et qu’il va falloir convaincre. Tous ces députés sortants vont devoir expliciter leurs revirements, les errements de leur chef de parti, faire le bilan de ce qu’ils ont fait vraiment ou pas, radoter leurs promesses et qu’il faut leur faire confiance, etc...Enfin, vous connaissez tout cela. Pour le FN, ça n’a jamais posé de problème, puisque leurs candidat-e-s sont souvent des illustres inconnu-e-s, car de toute façon, pour ce parti, on vote FN l’étiquette, peu importe la personne.
Mais pour les autres ? Macron jouera sur la nouveauté (société « civile », hommes d’affaires, financiers, professions libérales) ; Les Républicains invoqueront la continuité gaulliste, conservatrice et garante des valeurs traditionnelles (et chrétiennes!) ; le PS qu’il faut construire une opposition pour contrecarrer les plans de l’adversaire. Que du convenu…

MAIS c’est là que pour les abstentionnistes conscients de la Présidentielle, il y a une mobilisation à exercer : convaincre qu’il faut donner un groupe parlementaire important à « France Insoumise » qui sera la seule force d’opposition plausible et prospective d’un autre avenir, construite sous forme d’un mouvement avec des propositions élaborées collectivement depuis des mois. On attendra de ces candidat-e-s qu’ils-elles défendent les options du programme énoncé par leur représentant à la Présidentielle. Cela créera un contre-pouvoir important et permettra au débat démocratique de se poursuivre sans être muselé.

Et puis, et cela est loin d’être négligeable sinon central, les candidat-e-s PS seront mis-es devant leurs responsabilités localement pris-es à partie et sommé-e-s de se justifier par rapport à la politique menée depuis cinq ans : les lois votées sur le travail, sur l’aide aux grosses entreprises robotisées, sur l’agriculture intensive au détriment des paysans, sur la privatisation progressive de la santé, sur la déliquescence des services publics, sur les reculs par rapport à la finance, le nucléaire, la taxe carbone, la précarité, l’austérité comme idéologie politique européenne, etc...Pourquoi voter pour ces représentant-e-s dont on sait pertinemment comment ils-elles se sont aplati-e-s lâchement pendant des années ?
Peu importe presque qui sera président, puisque si l’Assemblée Nationale ne dégage pas de majorité, alors ce sera ingouvernable dans l’état, avec une vraie opposition qui s’exprime.
Soit il y a dissolution et nouvelles élections, soit on va vers un type de dictature (à coups de 49-3). Cela ne créera sûrement pas les conditions d’un pays apaisé.

Oui, il faut se poser la question de l’après-Présidentielle pour ne pas se focaliser uniquement sur ce leurre de l’élection de notre roi national qui concentre tous les pouvoirs. Les contextes ont changé, les institutions doivent évoluer, les politiciens et partis actuels sont complètement décrédibilisés, la demande de démocratie directe est forte, les gens veulent redevenir maître de leur vie et avoir un pouvoir sur la façon de la mener localement là où ils-elles vivent. Les changements sont déjà en place et s’accentuent de plus en plus, concernant aussi bien la façon de se nourrir et où, de se déplacer, de se loger, de se soigner, d’établir des relations d’aides et non-marchands, de se cultiver et d’utiliser son temps libre à des activités émancipatrices, de …



Alors, boycott conscient à la Présidentielle et vote massif aux Législatives pour la création d’un groupe parlementaire d’opposition et de proposition au Parlement.

Cela mérite débat, non ? Car localement, le ménage sera fait ou peut fortement se faire...La mémoire ne s’efface pas aussi facilement : les traces sont aujourd’hui multiples et plus maîtrisables du tout. On peut clamer haut et fort, fake news et mensonges ; les images, les enregistrements sont là et on ne peut pas continuer à refuser, à nier les évidences. Chacun-e est mis-e devant SES responsabilités et ses capacités d’action, chacun-e à son niveau. On ne pourra plus dire : « je ne savais pas »…

L’avenir n’est pas écrit.

(et ces derniers temps, on l’a bien vu!)






dessin de Pat Thiebaut    www.lagitedulocal.com 


* Je ne cite pas là intentionnellement Mélenchon car un « scénario » où Mélenchon serait parmi les deux ayant le plus grand score au premier tour mérite un développement, que je ferai probablement dans une prochaine chronique.

jeudi 2 mars 2017

SOUVENIRS, SOUVENIRS ...


On habitait à quatre blocks du lac...et à deux pas du parc municipal. Il faisait toujours beau et très chaud. En sortant du travail au milieu de l’après-midi, Solange descendait downtown acheter quelques crabes et écrevisses qu’elle venait ensuite décortiquer, déguster dans ou devant la maison que nous louions rue du général Haig. Moi, je traversais le City Park à vélo en prenant le temps de flâner et m’octroyant des détours à travers les nombreuses allées. Le soir, on sortait au centre et dans les quartiers chauds de la ville. Il y avait des bars partout avec de la musique, de la musique, tous les styles de musique. Cette ville était avant tout une ville aux sonorités multiples avec une ambiance que je n’ai jamais retrouvée nulle part ailleurs à travers le monde.
Les maisons étaient pour la plupart en bois, à un niveau ou parfois deux, posées sur des parpaings avec un terrain autour : une allée à l’arrière pour l’accès en voiture aux parkings ou garages et à l’avant, pas de clôtures, de la pelouse, des arbres et arbustes (magnolias, azalés, …) avec des fleurs exubérantes toute l’année. Il faisait bon vivre (« laissez le bon temps rouler ») et les voisins se saluaient, même en ville tout le monde se souhaitait une belle journée, une soirée agréable, bref, c’était non seulement convivial, mais en y habitant, on avait vite l’impression de vivre dans un grand village.
Même si la ville comptait un peu moins de 500 000 habitants, on ne le sentait pas tant elle était étendue et verdoyante avec ses maisons individuelles et ses allées boisées. Il fallait bien sûr apporter de l’ombre sous ce climat tropical, chaud et humide.
Et puis, comment travailler dans une cité où c’était la fête toute l’année, où tous les prétextes étaient bons pour se retrouver à plusieurs, boire, manger et danser dans une sensualité démesurée. Et la musique : l’âme profonde de cette ville, son essence, sa raison d’être, sa vitalité. Elle était omniprésente partout. Elle occupe les bars, les trottoirs et déborde très souvent dans les rues pour se transformer en des parades improvisées parfois au milieu de la nuit. Il n’y avait d’ailleurs plus de nuits et de jours : la fête se déclinait vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Quand on habitait là, on ne voulait, ne pouvait plus partir : la vie y était douce, agréable, conviviale, colorée, chaude… Rien à voir avec les cités prospères où l’argent est central et où le look détermine vos relations. Rien de cela ici. Mélange ethnique, liberté, extravagance, tolérance : tout était possible !
Même dans le malheur, la fête reprenait le dessus et il a fallu du courage pour faire revivre ce qui a été rasé en une nuit.



En cette fin août 2005, un enième ouragan traversa la région, mais cette fois-ci les digues se sont brisées (on compta jusqu’à cinquante brèches) et la ville fut engloutie. Longtemps après le drame, des enquêtes approfondies ont montré combien le génie civil était responsable en ne construisant pas ces murs de béton dans les normes de sécurité faisant des économies drastiques sur les matériaux. Pendant des jours, la population est restée livrée à elle-même, les services de l’État, les aides ne se mobilisèrent que plus tard. Le Superdome et le Convention Center accueillirent des milliers de réfugiés, malades, handicapés, personnes âgées, mais sans nourriture, sans sanitaires en état, plus d’électricité, des conditions improvisées. Des corps flottaient au-dessus de l’eau, les habitants ne pouvaient compter que sur eux-mêmes mais les solidarités étaient là, dans l’âme même de la ville. Celles et ceux qui voulaient traverser le pont vers l’état voisin étaient repoussés par la force policière qui craignait un envahissement de malfrats et autres délinquants ! Le président survola la ville dans son avion privé au bout de quelques jours... en guise de compassion. Et quand enfin l’armée arriva au bout d’une semaine, elle en fit une zône militarisée où on embarqua les gens sous la menace des armes, dans des camions, en séparant même les familles pour les déporter dans des camps de tentes provisoires (qui durèrent plusieurs années) dans les états voisins. Beaucoup ne revinrent jamais car ils avaient tout perdu et n’avaient pas de moyens pour reconstruire. D’ailleurs, la suite montra bien qu’il y avait une sorte de volonté pour finalement raser la ville et la reconstruire pour en changer la population. Car à majorité noire et démocrate, cela ne plaisait pas à tout le monde, alors pourquoi pas reconquérir des territoires et en changer la sociologie et ...la majorité politique.

Mais c’était sans compter sur l’amour des habitants pour leur ville, sans compter sur cette capacité fantastique de la solidarité, de la volonté incommensurable à vouloir garder l’âme de leur ville, lui redonner ce qu’elle avait perdu et que certains voulaient transformer pour en faire une ville comme les autres. La musique, poumon et coeur de la ville, fit résonner à nouveau ses notes de joies partagées. Petit à petit la vie reprit, même si tout ne fut pas reconstruit et qu’une partie importante, un quart de la population, ne put pas revenir par manque d’argent. Il y eut des donateurs qui aidèrent pour des projets de reconstruction « Make it right  et Teach for America » et plein de jeunes du pays qui vinrent aider et pour certains s’y installer. Cela aida pour l’espoir dans la durée. 



 
La musique traverse à nouveau les murs des bars, parade dans les rues et les sourires reviennent sur les visages. Mais personne n’oublie les nombreuses victimes, personne n’a été épargné par la catastrophe et tous avouent que leur façon de voir la vie a changé à partir du moment où on se rend compte qu’en un instant on peut tout perdre et que l’argent n’a plus la même valeur, le matériel non plus. Il reste les peines indélébiles, mais qui dans cette ville, se transforment toujours en fêtes.
Ce sont les îles des Caraïbes qui se sont déportées vers le continent, un peu d’Afrique, une ambiance hispanique et le jazz, le blues, le rock, les fanfares, la danse, les odeurs des mets parfumés, les sourires, les big hug, la chaleur…

Katrina a englouti New-Orléans, mais cette ville a une âme trop forte, une énergie chaleureuse qu’on ne trouve nulle part ailleurs et qui fait qu’elle ne mourra pas.
Quand je vois des photos de la Nouvelle-Orléans aujourd’hui, je reconnais des lieux encore debout, mais je vois aussi les stigmates de la destruction. Quand je vois des reportages sur la ville dix ans après la catastrophe, je reconnais et je sens bien que cette ville a su garder son âme et qu’elle sera éternelle… et toujours très, très particulière !
Les deux années passées là-bas ont transformé ma vie, ont enrichi ma façon de voir les choses et j’y ai toujours encore une attache particulière et des émotions très fortes quand je me remémore tous ces moments de joies, ces rencontres merveilleuses et une qualité humaine de vie exceptionnelle.

En ce temps de MARDI GRAS, les souvenirs remontent... Quand je vois les USA aujourd’hui avec ce président dont je ne trouve même pas les mots justes pour le caractériser et aussi l’état politique de la France (où nous sommes finalement revenus), je ne peux que constater l’accélération du temps et tout ce qu’on a perdu en humanité, en tolérance, en libertés. Et pour me consoler parfois, je remets des vieux disques vinyles sur ma platine : « My darling New-Orléans …. » 
de Little Queenie … par exemple !



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