jeudi 22 décembre 2016

"HOPE FOR HAPPINESS" ***


Quand j'étais petit, tout jeune, j'habitais un petit village. Il n'y avait pas encore de route goudronnée dans la rue : c'était un chemin de terre qui allait vers les champs qui commençaient trois maisons plus loin. C'était aussi notre terrain de jeu où on enchainait les matchs de foot dans la rue entre voisins. Et puis, on passait de notre cour au potager ( on élevait aussi des lapins et des poules), puis dans les vergers et champs d'asperges qui s'étendaient sur des centaines de mètres jusqu'à l'Ill le long de laquelle on construisait nos "camps", des cabanes au milieu des arbres aux lianes ...amazoniennes ! Eh oui, tout cette nature était encore très sauvage, une végétation primaire :  des bancs de sable, des vieux arbres et des niveaux d'eau très variables qui inondaient même notre cave lors des gros orages ou de la fonte des neiges des montagnes vosgiennes proches.
Il y avait quelques commerçants qui gagnaient grassement leur vie et ils étaient nombreux : boucher, boulanger, pharmacie, épicerie, marchand d'animaux et de ...cycles,  ferblantier, maréchal-ferrand, graineterie, couturier, mercerie, ….Les clubs sportifs et les cercles confessionnels rythmaient le calendrier annuel. L'école communale était le lieu social, de rencontre...avec les bistrots bien entendu et les stades et  diverses églises/synagogues !

J'ai vu se transformer année après année le village en banlieue de ville ; les champs sont devenus des lotissements, les commerces ont fermé pour laisser place à des supermarchés et il n'y a bientôt plus eu que quelques rares artisans, voués à disparaitre sans succession. Le chemin de terre devant notre maison est devenu une route très fréquentée qui sert de desserte du trafic de la ville vers les cités-dortoirs que sont devenus les villages....
















Vous allez me dire que je parle d'un temps qui n'existe plus. Certes, mais qui résonne encore dans la tête des parents des trentenaires (et plus)...Ce n'est pas par nostalgie que je parle de cela aujourd'hui, mais simplement pour faire mesurer la fulgurance de cette première transition sociale, économique et environnementale de la seconde moitié du siècle dernier.
La vie matérielle est devenue plus facile, le plein emploi existait pour toutes et tous jusqu'à la crise pétrolière de 1973. Il fallait se battre moins et donc cette facilité, le confort acquis a sûrement contribué aussi à ce mollissement général qui s'est accentué d'année en année jusqu'à l'appauvrissement culturel actuel de la nouvelle génération qui ne peut que nous inquiéter, nous qui avons accompagné, assisté à l'évolution rapide de ces dernières années et de ses conséquences au quotidien.
Une certaine passivité de notre part nous rend en partie responsable du monde que nous laissons à nos enfants et petits-enfants. Nous n'avons rien pour nous rendre fier de ce leg, de cet héritage.
J'aimerai tant entendre des voix jeunes nous dire ce qu'on a pu leur apporter, leur apprendre et ce qu'ils en font aujourd'hui. Je n'aimerai pas avoir vingt ans aujourd'hui car je sens comme une immense régression intellectuelle dans un semblant de confort matériel et sanitaire.




Bien sûr, il y a des signes, des actions, des initiatives qui sont très encourageants quant à un réel changement de civilisation en cours, une nouvelle transition pas encore perceptible à un niveau global, mais qui sont visibles partout autour de nous et portés par des jeunes et moins jeunes qui ont pris conscience que cet autre monde, cette autre façon d'appréhender et de construire sa vie est en route, en mouvement.

Il suffit de porter son regard autrement, d'ouvrir ses oreilles de façon tolérante et en curiosité et la donne peut changer, l'horizon prendre des couleurs...

C'est un peu ce message que je veux passer en cette fin d'année 2016 : ne pas se laisser miner par une morosité ambiante, ne pas fléchir face à la violence meurtrière du salafisme guerrier, ne pas se laisser entraîner dans des discours séparatistes entre nous, mais avoir confiance dans notre créativité, dans notre capacité inventive, dans notre amour de la vie et de la richesse des échanges avec l'autre, dans notre implication dans une vie locale qui peut redevenir le ferment d'un mieux-vivre ensemble, ...si nous le voulons.

Et, pour parodier la sortie du film annuel, "que la force soit avec nous !"

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*** "hope for happiness" 
       titre du premier disque 33 t du groupe SOFT MACHINE

       https://www.youtube.com/watch?v=krytWei3e_o


lundi 5 décembre 2016

DE LA DEMOCRATIE ...LOCALE

Il y a quelques jours, le S.E.L. (Système d’Echange Local)  avait organisé une nouvelle soirée « Caméra Citoyenne » film (« Les jours heureux ») et débat (« la démocratie en crise ? ») dans le cadre de ses animations destinées à créer du lien social et initier du débat, en éveillant les consciences.
Le peu de fréquentation pourrait être une déception…

Il est vrai qu’il peut y avoir une lassitude, une exaspération de toujours parler de ces thématiques que l’on qualifie de politique, mais cela implique les questionnements et les colères de certain-e-s qui trouvent que les décisions sur des choses qui nous concernent au quotidien sont prises ailleurs et que nous ne sommes plus consulté-e-s en tant que citoyen-ne-s. Le seul « pouvoir » qu’on nous octroie encore est celui de mettre un bulletin de vote dans une urne de temps à autre. Pour le reste, on estime que par cet acte, nous déléguons notre pouvoir aux élu-e-s, avec confiance. Et que donc, jusqu’aux prochaines élections, tout est OK ou en attente d’un nouveau changement.

Et pourtant, le ras-le-bol est perceptible par tout un chacun et on entend de plus en plus qu’il y a un manque de démocratie, une crise même de la démocratie. Tout dépend donc de ce qu’on met derrière ce mot de démocratie. Peut-être même que chacun-e y met sa propre définition, sa propre représentativité.
Et si crise il y a , il y a aussi partage des responsabilités à ce niveau et il est inutile de taper sur les seul-e-s élu-e-s.
Je vais développer rapidement un seul exemple qui j’espère éclaircira ce propos.



 
Dans la vallée où je vis, il existe un TER (train régional) qui relie St-Dié-des-Vosges et Strasbourg. La voie ferrée a été bien remise en état sur une grande partie du parcours, les gares rénovées, le cadencement adapté. Les ramassages scolaires par bus ont été remplacés par des cartes d’abonnement pour le TER. Résultat : la ligne est bien utilisée, les parkings près des gares sont bien remplis par des personnes qui utilisent le TER au quotidien pour les trajets maison-travail.
Et voilà tout d’un coup que les élu-e-s régionaux décident de revoir le fonctionnement de cette ligne (comme d’autres) en observant des critères purement de rentabilité. Ainsi, avec l’excuse d’une portion de voie qui serait en mauvais état, et plutôt que de programmer des travaux, on remplace, sur cette portion, le TER par un ...autobus à certains horaires dans un premier temps, mais sûrement pour la totalité à terme ! On peut vite mesurer les conséquences probables : vu le temps supplémentaire de parcours, vu les changements demandés pour le voyage (bus-puis TER), il y a de grandes chances que les usagers reprennent leur voiture. Quelle régression. 




Arrivons à présent à la démarche « démocratique ».
Les maires et élu-e-s du coin découvrent ces changements de façon presque anodine dans une notification et s’en émeuvent. Ils écrivent donc une motion où ils se disent attaché-e-s à la ligne TER et demandent le maintien et des travaux. Ils l’envoient ...au président de la région Est qui est responsable de la gestion des lignes TER (président qui avait, lors de son précédent mandat, promis déjà la réhabilitation de la ligne Bollwiller-Guebwiller ...sans suite). Bien sûr, ces élu-e-s pensent qu’ils ont fait leur travail avec cette protestation écrite ...en attendant qu’il y ait débat au sein de l’assemblée régionale ou examen de la demande par une commission ad hoc.

Mais où sont les usagers dans cette démarche ? Les habitant-e-s de la vallée ?
La plupart ne sont même pas informé que ce 12 décembre 2016, une partie de cette ligne sera remplacée par des bus. Si on ne lit pas la presse locale, régionale (DNA), - et il y a de moins en moins de lecteurs-lectrices et abonné-e-s -, alors aucun moyen d’être au courant et donc d’émettre un avis sur ce sujet qui pourtant touche tout le monde.

Et c’est là que je veux pointer le manque de démocratie et le partage des responsabilités.

Les élu-e-s ont une part de responsabilité dans la mesure où, ils-elles n’informent pas la population sur de tels sujets. Ils-elles pensent que d’informer dans la presse locale qu’ils ont envoyé une motion est suffisant pour que tout le monde soit au courant. A l’ère des objets connectés, d’internet, des réseaux sociaux, de Twitter, Instagram et que sais-je encore, il est pourtant facile de toucher très rapidement en quelques clics une grande partie de la population et donc d’informer large. En plus, ils-elles ont tout pouvoir pour organiser des réunions d’information dans leurs salles municipales.
Et puis, une grande manifestation de défense ou de maintien de la ligne avec au premier rang les élu-e-s et leur écharpe tricolore , ça a de quoi remplir en photos et textes les différents médias et donc de faire pression de façon plus importante auprès du président de Région et des élu-e-s régionaux en affichant son attachement à ce service de transport en commun. Mais pour cela , il faut être mis au courant, être informé par ses élu-e-s, dont c’est le devoir, et qu’ils aient la volonté d’associer la population à la démarche.

Nous, citoyen-ne-s, avons aussi notre part de responsabilité en ne faisant pas l’effort de s’informer et de suivre la marche, les « affaires », les dossiers de notre territoire. On délègue par le vote et puis, on laisse faire jusqu’aux prochaines élections. Et pendant ce temps, on critique beaucoup, on exprime du mécontentement, de la colère, parfois du dépit, du découragement de ne rien pouvoir faire (pour dire qu’on ne fait rien en fait) et le temps passe. Et celles et ceux qui veulent bouger, agir, on les décourage vite, on leur dit de patienter, que rien n’est définitif, que … alors qu’on est sur du service public qui sert les intérêts de tout le monde.

Par cet exemple, on voit bien que si la démocratie se délite c’est de la responsabilité des élu-e-s, mais aussi de nous-mêmes. Il est temps de reprendre nos vies en main, de créer du lien social afin de mener des actions collectives, avec ou sans les élu-e-s, et dans un cadre qui, s’il n’est pas toujours et forcément légal, est par contre fortement légitime.

Où sont les référendums sur des thèmes, des dossiers qui nous touchent. On est capable de mettre des mairies à disposition pour des élections « primaires » et cela ne serait pas possible pour des référendums locaux ?

Oui, la démocratie a du plomb dans l’aile, mais si on veut lui redonner de la place et la faire revivre, il en est de la responsabilité de chacun-e pour une part, de celle des élu-e-s (à tous les niveaux ) pour une autre part. Et cela implique aussi que nous redéfinissions ce qu’on entend par démocratie et par ...politique !