mardi 9 février 2016

Je suis pour le droit de vote et ...je vais m'abstenir !


Je sais, c'est complétement en contradiction et c'est pour cela que ça crée un débat interne en moi que je veux partager aujourd'hui car je ne trouve plus d'arguments pour me mobiliser à respecter, à exercer mon devoir de citoyen d'un pays démocratique, républicain, laïc.
dessin de Phil Umbdenstock (Colmar)


Entendons-nous bien : je suis un citoyen français comme un autre, je ne suis pas PLUS ou mieux, je suis comme “tout le monde”. D'accord, je lis beaucoup, je m'informe, je cherche, curieux de nature, des avis différents pour parfaire mes réflexions, les confronter à d'autres façons de “voir les choses”, j'agis à ma mesure localement pour partager mes connaissances, expériences et savoir-faire et aider où je peux. J'aime discuter, je ne suis pas insensible au monde qui m'entoure (et dont je fais partie intégrante), je ne m'enferme pas essentiellement dans un confort matériel de vie, après quarante ans d'activités professionnelles, pour jouir tranquillement des années qui me restent. Je suis attaché viscéralement à des valeurs humanistes et d'égalité des êtres vivants. Je respecte au mieux mes devoirs d'individu et de personne sociale et je tiens fortement à exercer mes droits citoyens, mon droit de vote acquis difficilement par mes ancêtres. Que ceci soit bien clair pour ne pas biaiser le débat.
Mais je m'interroge aussi, comme des milliers sinon des millions d'autres françaises et français, sur ce que veut dire encore “voter” aujourd'hui et quel est encore le réel “pouvoir” de mon vote, sa “valeur”, son “sens”. Est-ce se poser trop de questions que de s'interroger ?




Du plaisir au désir
On était une dizaine autour de cette table garnie de mets délicieux, “gastronomiques” faits maison, de douceurs liquides. Des trentaires au soixantenaires, actifs et retraités, d'horizons et d'activités divers, réunis pour fêter des anniversaires, mais surtout pour le plaisir de se retrouver, de passer une “bonne” soirée ensemble. Et ce fut une bien agréable soirée, très chaleureuse, simple et riche en échanges.
Ma plus jeune voisine m'interpelait dans la discussion : “...mais dis-moi alors ce que je peux encore faire puisque le vote”blanc”, même s'il est comptabilisé, n'est jamais pris en compte et même pas impacté, puisque quand on dévoile le résultat du vote, on parle des pourcentages des candidat-e-s et de ...l'abstention, du taux d'abstention. Jamais du nombre de votes “blancs” ou alors très furtivement.” Bref, quand on ne trouve plus son compte, quand on ne sait plus pour qui voter, quand on veut marquer qu'on n'est plus d'accord avec ce qu'on nous propose, même attaché au droit de vote et qu'on se déplace pour voter “blanc” , on n'a plus l'impression que son vote a du sens ou est entendu. On peut aussi choisir de voter la provocation en donnant SA voix à ce qu'on n'aurait jamais penser faire ! Ou encore voter “par peur”, “utile” , pour le moins pire, par discipline “républicaine”,
contre et que sais-je encore ? En principe, on vote par conviction, en fonction de valeurs, pour un programme qu'on souhaite voir mis en oeuvre par celle ou celui qui s'en revendique et le défend. En principe, oui.
Globalement, on regrette que le taux d'abstention augmente, que les citoyens s'éloignent de la politique. On parle de danger pour la démocratie quand une très large majorité ne s'exprime plus ...par le vote. Je ne vois pas moi un peuple français qui ne s'exprime plus. Je vois des gens qui ne savent plus où et comment ils peuvent encore s'exprimer, combien leur parole, leurs cris ne sont plus entendus par ceux-là qui sont censé les traduire en lois et décisions collectives. Je ne vois plus de lieux de débats politiques, je ne vois plus beaucoup d'instances ouvertes au débat public avant de prendre des décisions qui touchent tout le monde. Et cela aussi bien aux niveaux municipaux, intercommunaux, départementaux, régionaux, nationaux. Non, il n'y a plus de débats publics, plus de décisions collectives, plus que des “échéances électorales”, des “campagnes électorales” (en permanence) et la pression pour faire déplacer les gens à aller voter. Point à la ligne !
On parle aussi de l'option obligatoire du vote, sous peine d'amende pour réduire l'abstention. Que des propositions “techniques” !

Mais le “sens” du vote, la “valeur” du vote, le “pouvoir démocratique” du vote, où sont-ils passés ?
Faut-il passer par l'obligation pour occulter que l'envie d'aller voter a quasi disparu ? Et d'agir sur les causes. Car si rien ne change, ne bouge là-dessus de façon institutionnelle, que restera-t-il comme moyen de changer les choses à notre niveau ?

Si le vote “blanc” n'est pas visible (fortement mis en avant) et pris en compte comme une réelle expression, alors en jouant le jeu des “annonces” de résultat (pourcentage, pour/contre, abstention), il ne resterait plus que la solution d'agir sur le taux d'abstention pour que cela ait un impact. Je m'explique.

Du désir à l'action
Une question préalable : à partir de quel taux d'abstention, peut-on considérer que le résultat d'un vote n'a plus aucune valeur démocratique ?
Lors du référendum alsacien sur la fusion des conseils généraux et du conseil régional en une entité unique, pour que le “oui” l'emporte, il fallait qu'il comptabilise plus de 50% des exprimés ET au moins 25% des voix des électrices-électeurs inscrits dans chacun des deux départements. Or, dans le Bas-Rhin, si le oui a obtenu plus de 50%, par contre il n'a concerné que 22,9 % des inscrit-e-s (16% dans le Haut-Rhin !). Les votes “blancs ET nuls” étaient à 3,20% et le taux d'abstention à 64,4% (deux départements ensemble). La prise en compte des votes était donc fixée à 25 % des inscrit-e-s pour permettre une validité démocratique du vote. Techniquement sans cette barre des 25%, le oui l'aurait emporté (dans le Bas-Rhin).
Le vote blanc n'aurait rien changé, par contre c'est le taux d'abstention qui a annulé la validité du vote. C'est un exemple réel récent (avril 2013) qui va etre troublant pour la suite.
Revenons à l'échelle nationale : les prochaines élections présidentielles … et législatives.
Hypothèse : je ne trouve pas mon compte dans les candidat-e-s présentés, je suis attaché au droit de vote, je vais donc à priori aller voter blanc.
Aux résultats , le-la candidat-e X est élu-e (dans le système actuel avec très peu de voix des inscrit-e-s, ça suffit pour devenir président-e de la République), le vote “blanc ET nul” est à disons, 5, meme 10%. Expliquez-moi ce que cela change. On a exprimé en votant blanc que rien de ce qui était proposé ne nous convenait, mais peu importe, ça ne compte en rien, ne change rien et on peut recommencer ainsi ad eternam.
Mais, admettons à présent que le taux d'abstention explose à disons 70-75 %. Comment cela sera-t-il analysé, interrogé et jusqu'à forcément amener le débat sur la légitimité représentative du vote.
Là, je ne prédis pas l'avenir, mais à mon avis, ça posera “problème”.
Vous commencez à comprendre le titre provocateur de cette chronique.



Si dans quelques mois, il n'y a aucune proposition d'une rupture totale avec le passé, pas de renouveau des représentativités politiques, si on ne nous présente pas au moins deux programmes très différents et portés par des personnes nouvelles, (nous ne sommes plus dupés ni par le “retour” de Sarkozy, ni par le programme promis par Hollande, ni par celles et ceux qui piaffent au portail), alors il faut bien intégrer qu'il pourrait y avoir une envie d'une poussée massive d'une abstention qui fait sens, qui est stratégique -et non-violente- et pourrait porter un message fort de “basta, plus cela”, on veut autre chose, vraiment autre chose car vos promesses à répétition non-tenues ne vous protégeront plus du chaos que vous avez directement provoqué, de ce qui s'appelera “une crise institutionnelle” provoquée par une abstention massive et très largement majoritaire !
Et avec quelles conséquences dans un état d'urgence avec une constitution remaniée, pourrais-je même rajouter pour compléter le tableau et mettre en parrallèle deux choses qui le sont mais qu'on ne veut pas avouer aujourd'hui.






De l'action à la création
Alors, contradictoire, “je suis pour le droit de vote, et je vais m'abstenir” ?
Provocateur, sans aucun doute, mais aussi interrogateur.
Je ne sais plus, je doute, et dans ce cas, il faut ouvrir le débat et écouter les autres, écouter les avis divers, divergents, s'enrichir de la pensée d'autrui, de l'intelligence humaine.
Ouvrons le débat là où nous pouvons le porter.
Pourquoi me direz-vous, faire une chronique en février 2016 sur des élections qui vont se passer en mai 2017 ? Il y aura le vote pour la Présidence et dans la foulée pour les député-e-s. Donc autant dire que la-les campagnes électorales vont commencer dès l'automne très clairement, mais sont déjà dans pas mal de têtes. Il vaut donc mieux s'interroger, réfléchir, écouter en amont que les dernières semaines avant les votes où la propagande fournira toutes ses armes pour vous encourager, vous faire peur, vous rappeler à l'esprit républicain, alors que tout aura été fait et est fait pour neutraliser ou niveller tout débat depuis des années.

Nous pouvons reprendre le pouvoir sur nos vies, sur notre vie, notre façon de vivre, ici et à tous les niveaux. La politique aujourd'hui n'est plus agir pour le bien public, mais un rapport de pouvoirs et du pouvoir, nous en avons encore. Pour le rendre visible et vivant, localement, partout, il faut qu'il soit collectif et exemplairement démocratique.
L'avenir n'est pas écrit...



Résister, c'est créer ; créer, c'est résister.” (Stéphane Hessel)

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