jeudi 7 janvier 2016

DIALOGUE

- Dès que je critique quelque chose, que je fais des constats négatifs, tu me reprends et tu retournes les choses de façon gentille. Tu es trop positif, tu vois les choses...
- Oui, mais attend, je ne vis pas dans le monde des bisounours quand même. Je fais les mêmes constats que toi, mais je ne veux pas tout voir en noir, en négatif. Je vois aussi plein d'initiatives citoyennes très positives, encourageantes...
- D'accord, mais ça ne touche que peu de personnes, ça ne change rien et …
- Le changement est toujours venu des minorités agissantes. Il suffit que ces initiatives se répandent, (et c'est le cas grâce aux réseaux sociaux, aux outils internet,) pour que tu sentes que les choses bougent un peu partout.
- Oui mais, regarde tout ce qui est détruit tous les jours. Avant il y avait des arbres là et tout a été coupé. Avant il y avait des prairies là, maintenant ce sont des friches envahies par les genêts, les arbustes, on ne peut même plus s'y promener. Il n'y a plus un bistrot sympa à la ronde où on peut aller boire un verre et rencontrer du monde. Il faut prendre sa voiture et aller plus loin, et encore...Les gens ne se connaissent plus. Et tu as vu les résultats des votes...On se demande où on vit et s'il ne faut pas partir...
- C'est sûr que ça interpelle, mais c'est aussi le résultat de la désinformation, de la pauvreté. Il faut recréer du lien social, de l'information contradictoire, du débat...Il n'y a plus de librairie à 40 kilomètres à la ronde et qui va dans les quelques médiathèques qui se battent pour exister encore ? Il y a un travail d'éducation populaire à faire. Il faut  dynamiser les associations, les fédérer, montrer combien on peut consommer local, échanger des services, mettre en avant les potentialités du territoire, de la vallée et il y en a pas mal...Même si les constats sont assez négatifs, je ne veux pas me laisser aller à la morosité, à la nostalgie qui paralyse, j'aimerai encore croire à une énergie positive qui va faire évoluer les choses en comptant sur l'intelligence et la tolérance, le partage et l'information diversifiée.
- Tu es trop gentil, regarde quand même les choses en face, tu ne peux pas ne pas être d'accord avec moi.
- Bien sûr que je vois la même chose, mais je ne veux pas sombrer, je veux continuer à voir les initiatives positives, celles qui apportent de l'espoir, qui construisent un avenir, pour nos enfants, mes petits-fils, et si je peux y contribuer un petit peu localement, cela me satisfait à ma mesure. Et tu sais, tous ces mouvements d'aujourd'hui me ramènent malgré tout à une pointe de nostalgie où nous parlions de “vivre et travailler au pays”, de se battre contre la “société de consommation”, de se libérer des carcans moraux (et religieux), “faire l'amour pas la guerre”, où la libération des femmes n'en était qu'aux balbutiements, où l'homosexualité était exposée à des violences physiques d'agressions permanentes, où l'avortement se pratiquait dans des conditions déplorables et condamnables, où il fallait aller en Angleterre, en Belgique ou ailleurs, où la musique était “dégénérée”....bref, je me souviens d'où je viens et je vois bien où nous en sommes, je ne suis pas aveuglé, je vois clair.
- Je sais que je me fais du mal en ne regardant qu'un côté des choses, mais c'est difficile de croire encore que ça peut aller mieux. Globalement, il n'y a rien à attendre d'un changement par la politique.
- ça c'est sûr. Les politiciens se sont décrédibilisés : ils en ont fait un métier et se battent pour garder leurs places et leurs privilèges, cumulent, s'accrochent jusqu'à pas d'âge, se contredisent, s'aplatissent et nous bassinent avec leurs mensonges à répétition, leurs écarts contraires à ce qu'ils affirment, à ne plus servir qui que ce soit d'autre que leur parti et eux. D'ailleurs pour beaucoup de gens aujourd'hui, droite-gauche, gauche-droite, il n' y a plus grandes différences, c'est la même politique économique et le chomage et la pauvreté ont atteint des sommets scandaleux quand on voit l'argent qui va aux actionnaires et aux multinationales...Quant à l'écologie, elle est bafouée au quotidien, tout contredit ce qui est ...dit. La propagande fonctionne à plein temps, 24h sur 24, 7 jours sur 7.
- Bon, toi encore, tu es dans des associations, tu commences à connaître un peu de monde, tu fais des choses, tu proposes des initiatives, tu as encore des projets, mais moi, je ne fais plus rien, je n'y crois plus.







Vous avez toutes et tous vécus ce genre de situation, vous avez eu ce genre d'échanges. Quand on en est là, difficile de se remettre dans l'action et ça se comprend très bien. Mais il faut continuer à croire pour ne pas tomber, pour ne pas accepter le chaos, continuer à débattre, à se motiver, à croire à cette révolution culturelle de la société civile vers une réappropriation de sa vie, de son avenir. Il n'y a plus grand chose à attendre aujourd'hui du milieu politique ; c'est donc bien par le bas, par le local, la proximité, que les choses vont évoluer et ce mouvement est en oeuvre depuis un moment. Il commence même à être de plus en plus visible par le nombre d'initiatives citoyennes et de tout ordre un peu partout à travers les territoires, les pays, sur la planète.
Mais en disant cela, je suis peut-être une fois encore trop positif, trop gentil...
Celles et ceux qui me connaissent depuis longtemps ne diraient sûrement pas cela de moi, mais peu importe, ce qui compte, c'est de faire changer le regard qu'on porte sur les choses et de débusquer ce que tout le monde ne voit pas ...encore !

“Créer, c'est résister : résister, c'est créer” (Stéphane Hessel)
“Penser global, agir local “ (René Dumont)



Vous souvenez-vous de ces chansons de Maxime Le Forestier qui s'appelaient les deux "dialogue". Si vous pouvez les ré-écouter, n'hésitez pas...
ça commence comme cela : "Avec ce que j'ai fait pour toi", disait le père ....



           les dessins sont de Pat Thiébaut     www.lagitedulocal.com






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