lundi 14 décembre 2015

STRATEGIES et IDEOLOGIES

Je sens et j'entends comme un grand "ouf" d'une sorte de soulagement que le FN n'ait pas remporté une seule région, comme à chaque dernière élection. Le scénario est rodé : les médias de propagande (presque tous) et les partis de gouvernement font le lit du FN en remplissant les journaux avec Marine, Florian et les autres, les mettent au centre de tous les discours de campagne, lancent une semaine anxiogène entre les deux tours et rassemblent des voix de tous bords dans la peur induise. Depuis 2002, on connait la chanson, c'est la même et toujours le même refrain. N'allez pas croire là que je fais l'apologie du parti du rejet et de l'enfermement : que nenni ! Ce n'est qu'un pur constat que beaucoup ont du faire hier soir après la publication des résultats du deuxième tour de ces élections régionales.
Mais il y a une chose qui est incontournable et qui montre la réelle progression (de conviction) de ce parti, c'est le nombre de votants qui est aujourd'hui à un sommet de 6 820 000 électrices et électeurs. On sait bien que pour le FN ne compte d'abord que l'élection présidentielle (et les législatives qui vont avec), mais en attendant leur armada de conseillers régionaux augmente sérieusement et ils ont gagné une bataille politique, peut-être idéologique. La crainte réelle que le FN remporte et gouverne pour la première fois, seul, une région en Europe (et cela en France) était bien palpable et cela a permis une remontée spectaculaire du taux des votants avec le résultat que l'on connait : le FN n'a gagné aucune région. Mais à quel prix ?

                                             dessin de Phil Umbdenstock (Colmar)
 

La stratégie d'évitement du PS, en très mauvais état dans le Nord-Pas de Calais et en PACA, laisse sans aucun doute un goût très amer dans la gorge de pas mal de monde dans ces deux régions abandonnées par le parti au pouvoir.  Cela est lié à la politique menée au plan national par le PS, mais aussi au fonctionnement de ce parti et à ses représentant-e-s et élu-e-s dans les régions. Si on a voulu faire passer cet abandon pour du courage, de la responsabilité, "une grandeur d'âme", je suis sûr que tout le monde ne l'a pas pris ainsi. Et au final, ces régions seront menées par la droite UMP/LR qu'on connait pour l'avoir vu diriger le pays cinq ans avec Sarkozy et le FN avec ses nombreux nouveaux élu-e-s. Réjouissant pour celles et ceux qui habitent dans ces régions où la gauche était "aux manettes". Mais quelle gauche ?

Quant à la troisième région "menacée", l'Alsace (où je vis)-Lorraine- Champagne/Ardennes (le Grand Est, quoi !), là, nous avons un vrai cas d'école : le PS national demande à la liste PS de se retirer car le FN de Florian Philippot serait en mesure de l'emporter (comme dans les deux autres régions nommées ci-dessus). Mais il y a un hic ! Le candidat , tête de liste, JP Masseret refuse le diktat de Solférino (rue du siège parisien du PS) et défend avec conviction son maintien par respect des électrices et électeurs de gauche qui n'auraient plus de choix démocratique (mais juste une ligne "Tous contre le FN") et aussi pour porter le combat d'idées dans l'assemblée régionale. Aussitôt désavoué, la machine interne PS se met en route pour ordonner individuellement aux co-listiers de se retirer afin que la liste ne puisse plus être déposée en Préfecture pour le deuxième tour. Mais le nombre de retraits étant insuffisant, JP Masseret se maintient et le PS l'exclut, lui retire son investiture. Au final, sa liste n'a pas empêché Richert (UMP/LR) de se succéder à lui-même ET il y aura une opposition d'une vingtaine d'élu-e-s de gauche (que l'on souhaite entendre souvent) au nouveau Conseil Régional.Ce qui s'est passé dans l'Est est révélateur et ne pourra pas passer sous silence. Il y a des effets colatéraux importants aussi. EELV, avec sa stratégie waechtérienne "ni...ni..." remise au goût du jour le soir de premier tour (puisque le PS n'était plus en état de l'emporter), n'a plus eu d'autre choix que de désavouer ses partenaires habituels (voir ce qui s'est passé aux Régionales de 2010) et faire campagne pour la droite UMP/LR avec plus aucun élu dans la nouvelle assemblée. Et un parti à terre !
Mais, et c'est là où on va pouvoir mesurer en pleine lumière l'exemplarité du PS, de ses membres, c'est que parmi la vingtaine d'élu-e-s de la liste de JP Masseret, il y a en position élue des personnes qui l'ont abandonné, ont exigé qu'il se retire, ont appelé à voter UMP/LR et de qui on attend aujourd'hui qu'ils laissent, logiquement, honnêtement, leur place à celles et ceux qui ont continué à soutenir cette liste devenue Divers Gauche (puisque de toute façon, en soutenant une autre liste, ils avaient accepté de ne plus siéger, de ne plus avoir de représentant-e-s comme dans le Nord et le Sud-Est). A suivre donc pour voir si, au lendemain de ces Régionales, la vie (politique) reprend comme avant ....jusqu'à la prochaine fois, en 2017. Personnellement, je connais assez la politique et les partis, pour être convaincu que ces lâcheurs-lâcheuses opportunistes et carriéristes trouveront la syntaxe parfaite pour justifier le grincement de girouette qui les accompagne... Un cas d'école à surveiller et surtout ne pas occulter.
Pour terminer sur ce point des stratégies, il est dommage que le panachage à gauche n'ait pas fonctionné en Normandie où il était très large, mais a échoué d'un poil et surtout, plus symboliquement (mais nous sommes dans la caste des professionnels cumulards), il a échoué en Ile de France où il était aux affaires depuis 17 ans ! Une sacré claque pour le PS et ses alliés à Paris, une punition pour ses abandons...stratégiques et ...idéologiques au gouvernement !



dessin de Pat Thiébaut (Still)


Car, on n'est pas dans une guerre civile (même si on compte dans les rangs du FN/RBM un certain nombre de groupes très violents et prêts à ...mettre le feu !), mais au stade des idées, de l'idéologie, un combat culturel, civilisationnel. Les cadres du parti familial Le Pen, (pour certains sortants de l'ENA comme dans les autres partis) ont bien compris la marge encore à combler avant deux ans. Dès le lendemain des élections, Florian Phillipot (n°2 du parti) parle des efforts d'explication qu'ils doivent accomplir sur ....l'environnement, la culture, l'éducation. Et en martelant de temps à autre son propos par " nous, les patriotes...". On a bien compris que la mue continue : après le RBM (Rassemblement Bleu Marine)  pour atténuer le FN, on va (comme de l'UMP à LR) passer de RBM à Les Patriotes ! 
D'ailleurs, idéologiquement, Les Républicains (qui n'ont rien de républicain dans leurs attitudes) sont au plus mal et Sarkozy a du souci à se faire. Sa pompe à voix FN n'a pas fonctionné et a peut-être même eu l'effet inverse....
Le PS voulant se draper dans l'habit de courage et de responsabilité a surtout montré sa faiblesse électorale et l'abandon de son électorat depuis que sa politique gouvernementale  ressemble étrangement à celle de celui qui a été rejeté en 2012. Il y a peu de chance que sa ligne politique change, sauf peut-être à la marge et dans la perspective des Présidentielles.

Le vrai clivage est bien idéologique et il faut se battre idées contre idées, programme contre programme, dans une démocratie vivante et un fonctionnement collectif, horizontal, local.
Tous les partis sont remis en cause, la politique politicienne et les élu-es sont largement décrédibilisés, les revirements, les reniements sont dénoncés en permanence, il y a des sacrés "chantiers"  à mettre en oeuvre pour un grand chambardement. Les ignorer et continuer avec les vieilles recettes et ce sera le chaos garanti.
Pour ma part, je pense que s'il n'y a pas une mise à plat, une construction différente, collective, depuis les territoires, d'une nouvelle offre d'une gauche alternative face au parti du rejet et de l'enfermement, la République et la démocratie sont en très fort danger dans son pays originel.

L'avenir n'est pas écrit...mais il est en marche !



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