mardi 10 février 2015

LE PRIX ET LA VALEUR

Là où je vis, je m'émerveille chaque jour de mon environnement naturel d'une grande qualité : un air de montagne vivifiant, de l'eau qui vient de la source, des aliments produits localement, un train TER à proximité, vraiment là où je vis, “ça n'a pas de prix”, c'est la nature encore assez sauvage, de l'espace...


Quand je disais cela, c'était un peu innocent (pas entièrement, vous me connaissez !) et pour pousser le bouchon encore un peu plus loin, je rajoutais : “tu verras, un jour, on nous fera payer l'air pur qu'on respire”... En souriant, mais en sachant ce que je sais aujourd'hui, je savais aussi que ce n'était pas impossible....

- Bonjour Monsieur, on vient prélever la taxe verte que vous n'avez pas encore payée cette année.
- Quelle taxe verte ?
- Eh ben, vous savez bien que nous sommes en zone élevée de qualité environnementale et que votre contribution permet de la préserver.

Vous souriez, vous avez raison, mais vite, car dans les projets de certaines multinationales et surtout des banques d'affaires, cette scène pourrait avoir lieu demain. Car, nous rentrons dans l'ère du “natural capital”. La nature est mise à prix, elle est une nouvelle niche financière dans le cerveau de ces félés de la “plus-value” boursière qui attire les actionnaires-investisseurs.
Comme souvent dans le capitalisme, ce sont les banques qui sont en première ligne et pas n'importe lesquelles : les holdings JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, …., les memes qui ont crée la bulle immobilière artificielle qui a déclenché la crise (mondiale) de 2008. Et à quoi pensent-elles ?
A marchandiser la nature et bien sur, ça a déjà commencé.




Vous voulez comprendre le principe : on démollit, on rend rare, on met un prix pour la sauvegarde, on vend avec une marge bénéficiaire importante...
Prenons un exemple (vital) : les abeilles...
Aux USA, mais en Europe aussi tout doucement, on a mis en place des pratiques agricoles intensives à coup d'intrants toxiques, de pesticides, d'engrais, etc...Résultat : les abeilles ont disparu. Or pour avoir des récoltes, il faut polliniser. Alors, les quelques rares ruches encore protégées prennent une valeur inestimable et on peut les louer pour polliniser les champs. Voilà un exemple typique pour créer de la plus-value : ce qui est rare (ou devient rare) est cher, le marché fonctionnant sur l'offre et la demande. Donner un prix à quelque chose et vous créez un “actif financier”.
Changeons encore d'échelle : les banques américaines (et leurs filiales, agences, ..) achètent des terrains peu habités avec une certaine biodiversité. Elles émettent ensuite des titres, obligations, actions sur les espèces présentes sur ce territoire et revendent ces actions à des  clients : une action “serpent  xxxxxx”, une action “plante xxxxx”. Je vois que vous êtes écroulé-e-s de rire en disant qu'il faut que j'arrete de respirer le grand air pur, ça rend euphorique !
Pas du tout, c'est déjà une réalité aux USA. Où est l'intéret d'avoir des actions “serpent xxx” ? C'est tout simple car le procédé marche pour tout :
ces sites “naturels”, “protégés, préservés”, mais devenus privés vont devoir maintenant se rentabiliser avec une plus-value pour le porte-monnaie des actionnaires. Ainsi, une entreprise qui veut s'installer  sur un site un peu sensible ou préservé pourra le faire malgré tout,  A CONDITION d'”équilibrer”  par une autre action compensatoire. Et c'est là qu'interviennent ces fonds d'actions “serpent xxxx”, “plante xxx”....Je reçois l'autorisation d'implanter mon usine (polluante) à condition d'acheter des actions qui préservent la nature sous une autre forme, ailleurs. Et c'est ainsi qu'un désert avec de la biodiversité acheté une bouchée de pain peut devenir,sans rien y faire, très juteux dans la revente d'actions “serpent et autres”. Vous ne revez pas, ça va encore plus loin.



MATRIX : vous connaissez ce nom comme titre de film qui a eu un grand succès il y a quelques années. Mais là, ce n'est plus pareil, quoique !!!! Bref. A la bourse de Chicago, vous avez le grand marché mondial qui fixe le prix de vente du blé, du café, du riz, etc...de tous les produits. C'est la marchandisation financière, boursière des produits alimentaires de base qui font la pluie et le beau temps de tous les producteurs, surtout la pluie. Eh bien, imaginez-vous que un marché de la nature (ecosystem services / ecosystem market) a été crée de toutes pièces qui cherche à mettre un prix sur la valeur économique “invisible” de la nature. Les banques "d'espèces" (à préserver), les banques de “compensation” créent en fait des permis de polluer, de détruire.
Ce marché de la nature s'appelle tout à fait officiellement Matrix avec déjà ses "outils financiers" et est très connu dans les milieux boursiers.

Et il y a aussi sous couvert de l'ONU et des Etats le partage des droits “carbone” qui peuvent etre échangés entre Etats. A un moment donné, les banques ont crée des titres “tonnes-carbone”, ont distribués des quotas aux Etats, ont instaurés une limite de pollution au carbone à ne pas dépasser (avec la complicité des “politiques”) et ainsi, un pays très polluant peut racheter des titres “tonnes carbone” à des pays moins polluants pour compenser, ne pas dépasser (sur le papier) la dose “autorisée”. Une vrai arnaque crée de toutes pièces GRACE.... au réchauffement climatique crée par les memes qui en tirent bénéfice aujourd'hui. Innommable !

Ce système capitaliste, boursier, financier est donc aujourd'hui appliqué à la nature sans qu'on en parle de trop. La présentation médiatique sera toute autre, bien sûr : on va nous faire croire que ce sont les milieux financiers des affaires et des entreprises qui vont sauver la planete : le green business est déjà bien en marche.
En revenant loin en arrière, on sait bien pourtant que globalement  ce n'est pas vraiment l'humain qui détruit la nature (vitale pourtant), mais un système économique.




            La nature n'a pas de prix, mais elle a beaucoup de valeur.

Oui, mais attention, le gourou reconnu par les politiciens et financiers du monde entier , Pavan Sukhdev (ancien de la Deutsche Bank)  est le spécialiste du calcul de la valeur monétaire de la nature !!! Il contribue à répandre la marchandisation de la nature.

Les résistances sont les actions locales qui autonomisent la vie locale et qui échappent au système de marchandisation. Les résistances peuvent aussi venir des politiques à condition qu'ils fassent des vrais lois de protection de l'espace naturel pour empecher le “natural capitalisation”.
Mais on a tellement entendu déjà que “l'environnement, ça revient cher, ….ça commence à bien faire...” etc...que la confiance dans la résistance des politiques face au lobbying des marchands d'action, des fonds d'investissement, etc...est quasi nulle !

                              La nature sera-t-elle le nouvel eldorado de la finance *


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EN SAVOIR PLUS :

* voir  le documentaire sur ARTE +  quelques jours encore en replay

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